Monday, December 27, 2010

Citation du 28 décembre 2010


A ces mots on cria haro sur le baudet. / Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue / Qu'il fallait dévouer ce maudit animal, / Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. / Sa peccadille fut jugée un cas pendable. / Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable ! / Rien que la mort n'était capable / D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable, / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

La Fontaine – Les animaux malades de la peste (Fables livre VII)

La fable citée hier méritait d’être envisagée d’une façon un peu plus large : car nous sommes un certain nombre à estimer que, comme le baudet de la fable nous payons pour des crimes que d’autres ont commis, et cela simplement parce que nous sommes taillables et corvéables à merci…

Par exemple, qui donc est responsable de la crise financière ? Demandez aux grecs et aux irlandais ce qu’ils en pensent : les simcards dont on gèle les revenus ? Les fonctionnaires dont on baisse les salaires ? Les consommateurs qui voient la TVA augmenter ?

Non, bien sûr : simplement à la différence de l’époque de La Fontaine, on ne fait pas d’eux des coupables, mais on reconnait en eux des victimes très particulières : ils sont faciles à tondre.

Tondons-les.

Car voilà la nouveauté : on n’a même plus besoin de justification. Plus besoin de démontrer comme La Fontaine que le Baudet a commis un affreux péché qui mérite la plus sévère des sanctions. Non. On n’a juste qu’à se demander sur qui peuvent sans risque tomber les coups. L’âne est faible et facile à frapper ? Allons-y et pas besoin de justification. Le cynisme a remplacé l’hypocrisie.

Et rien ne sert de dire que les faibles sont chez nous les pauvres et que pour remplir les coffres des banques leurs maigres ressources sont insuffisantes. Car les pauvres sont pauvres, oui. Mais ils sont légion.

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