Friday, July 26, 2013

Citation du 25 juillet 2013


Une main lave l'autre.
Sénèque

Après avoir livré Jésus aux romains, Judas s’est lavé les mains comme pour dire que c’était pour lui une affaire classée : ce qui allait arriver à Jésus n’était pas son affaire.
On peut y lire une inversion des responsabilités : Judas coupable seulement d’avoir dénoncé un factieux à l’autorité d’occupation qui lui a infligé la crucifixion – supplice romain ? Ou bien Judas est-il le seul responsable de la Crucifixion dont les romains n’ont été que l’aveugle instrument (1).
Comme on le sait, la tradition n’a retenu que cette seconde interprétation : en dénonçant Jésus, Judas est bien le responsable de son supplice. De même que nos deux mains font partie de nous-mêmes et que la droite ne peut ignorer ce que fait la gauche, nous sommes responsables non seulement de ce que nous faisons, mais encore des conséquences de ce que nous avons fait.
C’est cette conception de la responsabilité qui vient à manquer lorsqu’existe ce que Hannah Arendt appelle, à propos d’Adolf Eichmann, « la banalité du mal ».
Eichmann, le Judas du 20ème siècle : il était la main qui mettait les juifs dans les trains ; il affirmait qu’il n’était pas la main qui tournait la manette du gaz pour les asphyxier. Et cette main-là n’était pas non plus celle qui avait signé le décret ordonnant la « Solution finale » –  ni le cerveau capable d’exclure les juifs de l’humanité.
Bref : si la main gauche peut laver la main droite, c’est que nous ne formons pas un tout, et donc que nous ne sommes que des instruments dénués de pensée ; la banalité du mal repose sur cet éparpillement des responsabilités, comme l’a prouvé l’expérience de Milgram.
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(1) « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » clame Jésus crucifié (Luc 23,33-34)

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