Tuesday, October 08, 2013

Citation du 9 octobre 2013


Jadis, le passé était voué à éclairer l’avenir en fournissant des exempla. La Révolution aurait au contraire cherché dans l’avenir la signification rétrospective de l’Histoire en fixant à celle-ci une finalité. Et notre temps a sombré dans le « présentisme » : le règne d’un présent tout puissant sans perspective d’avenir clairement définissable.
Jean-Noël Jeanneney – La Grande Guerre, si loin, si proche
Commentaire 2
- Seul l’avenir peut donner du sens au présent et au passé.
Nous voici aujourd’hui en présence d’une conception révolutionnaire de l’histoire : tout ce qui s’est passé dans le passé, et tout ce que nous faisons dans le présent n’a de sens que rapporté à un avenir qui doit advenir – inéluctablement.
Cette conception du temps est celle qui fait le  plus frémir : que d’horreurs n’a-t-on pas commises pour qu’advienne cet « avenir radieux » ? Ceux qui les commettent estiment en effet que les crimes les plus abominables ne sont abominables que rapportés à un présent qui ne peut suffire à en délivrer le sens : rapportés à l’avenir, ils deviennent des actes vertueux et louables, puisque nécessaires à cette épiphanie.
Epiphanie : on l’aura compris, cette conception de l’avenir est strictement religieuse, et les actes fanatiques qui ensanglantent nos faits divers en cherchant à débarrasser le monde des infidèles, prouvent qu’aujourd’hui même rien n’a vraiment changé depuis les lointaines périodes moyenâgeuses.
- On objectera que rien, pas même le moindre projet de vacances ne peut avoir de réalité s’il n’influe pas sur le présent : il nous faut sortir des limites de l’instant – en sortir « vers l’avant ». Alors, comment aurait-on le droit de condamner ceux qui, animés du plus haut projet qui soit (accomplir la volonté de Dieu sur terre (1)), commettent des actes à la hauteur de cet espoir ?
Le fanatisme consiste à parier que rien du monde dans lequel on vit actuellement ne doit survivre dans l’avenir : il faut tout détruire, car rien ne sera sauvé.
Tel est l’esprit révolutionnaire. Le réformisme par contre estime que l’avenir doit être une transformation du présent. Qu’on doit donc, par un va et vient présent/avenir évaluer non seulement les conséquences de nos actes pour transformer le monde, mais aussi pour le conserver au moins tant que l’avenir n’est pas réalisé.
Et tant pis s’il est moins « radieux ».
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(1) Version laïque : réaliser l’essence de l’Homme.

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