Wednesday, October 02, 2013

Citation du 3 octobre 2013

Regarder droit dans le soleil / Tourne, tourne la tête / Tout se dissout dans la lumière / Laisser les ombres qui marchent à tes cotés
Bertrand Cantat – Chanson
Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder fixement.
La Rochefoucauld – Maxime 26
Regarder droit dans le soleil… Quand on écoute cette chanson de Bertrand Cantat, on se dit que ce qui importe, ce n’est pas ce qu’il dit, mais ce qu’il ne dit pas – mais qu’il donne à penser.
Dans cette chanson, Bertrand Cantat évoque à mots couverts ses malheurs (1) : il y parle de ses amour – revenus en poussière ; de la scène – où il retourne toujours ; de la punition qu’il a payée intégralement… (Voir les paroles de la chanson ici). Mais toujours il regarde droit dans le soleil, pour se purifier, pour se vivifier : Tout se dissout dans la lumière.
Du coup on sursaute : La Rochefoucauld soulignait l’impossibilité de regarder fixement le soleil : de même qu’on ne sait pas ce qu’est véritablement la mort (2) ; de même nous ignorons tout de la vie en tant qu’elle est cette source jaillissante qui parfois vient à s’épuiser en nous (3).
Alors, comment Cantat peut-il affirmer qu’il a eu, lui, cette expérience ? Jouant avec l’analogie tracée par Le Rochefoucauld, il faut qu’il ait contemplé la mort, qu’il ait été en tête à tête avec elle et qu’il en soit revenu. On rappellera que chez Dostoïevski, c’est précisément le bagne qui est qualifié de « maison des morts ». Sans pousser la comparaison, on supposera que Bertrand Cantat a rencontré cette mort-là quand il était en prison, et que c’est en lui survivant qu’il a pu contempler le soleil – soleil qui, justement, luit seulement pour les hommes libres, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas à « l’ombre »
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(1) Il évoque ses malheurs, mais pas ceux des gens qui l’ont environné – et surtout pas le suicide de sa malheureuse épouse. C’est ce suicide-là que personne ne lui pardonne, et que pourtant je passerai ici sous silence : peut-on faire autrement quand on veut parler du Bertrand Cantat chanteur ? Comment peut-on encore chanter quand on recèle de telles ténèbres dans son âme ?
(2) Nous savons peut-être ce que c’est que mourir mais certes pas ce que c’est qu’être mort.
(3) C’est l’argument des spiritualistes : mon existence m’est venue d’ailleurs, car sinon, si je me la donnerais à moi-même, et c’est alors que je pourrais en contrôler le  jaillissement, voire même la prolonger indéfiniment. Ce qui m’est – sauf miracle –  impossible.

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