Wednesday, October 31, 2007

Citation du 1er novembre 2007

J'étais comme l'enfant avide du spectacle,
Haïssant le rideau comme on hait un obstacle...
Enfin la vérité froide se révéla :

J'étais mort sans surprise, et la terrible aurore
M'enveloppait. - Eh quoi! n'est-ce donc que cela?
La toile était levée et j'attendais encore.

Baudelaire - Les fleurs du mal (CXXV - Le Rêve d'un Curieux)

Peut-être sommes nous déjà morts, et nous ne le savons pas…

Rêver qu’on est mort déjà, et qu’on suit son propre enterrement, imaginer la mort comme la vie… Rêveries enfantines, il faut un poète tel que Baudelaire, qui n’a pas peur de leurs « gouffres amers », pour les prendre au sérieux.

Ici la monotonie grisâtre de la vie n’est pas un état particulier ni transitoire : les vivants et les morts sont plongés dans la même lumière ainsi qu’on a pu le voir avec les images de début du film de Roméro dont nous parlions hier.

La vérité froide est la suivante : il n’y a rien à voir derrière le rideau de la mort, nul spectacle nulle révélation, nulle apocalypse. Oui, ce n’était que cela.

Pourquoi résistons-nous à une telle révélation ? Le mystère de la mort tient au fait qu’elle est, comme le disait Jankélévitch « métempirique » : aucune expérience de ce qu’elle est ne nous est accessible, et même le personnage de l’Œuf du serpent de Bergman, qui avale sa strychnine devant un miroir pour se voir mourir est une tentative vouée à l’échec. Mais du coup nous voici libres pour toutes sortes d’imagination, pour tout révélation, pour toute prophétie.

Je ne reviendrai pas sur les difficultés de concevoir une vie éternelle (1).

En revanche je voudrais souligner la force du procédé de Baudelaire. En projetant dans l’ailleurs absolu de la mort la continuité de la monotonie de la vie, il en fait un horizon indépassable : c’est la condition humaine dans ce qu’elle a de plus essentielle puisque la mort ne peut ni la dissoudre, ni a fortiori la transfigurer. Terrible perspective à la quelle certains préfèreraient l'enfer et sa géhenne....

Bah... Secouons-nous ! Ce n’est qu’un poème dépressif.

Un Prozac et c’est reparti.

(1) Voir ici.

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