Monday, October 01, 2007

Citation du 2 octobre 2007

Je stipule, / dit le roi, / que les grelots de ma mule / seront des grelots de bois.

Je stipule, / dit la reine, / que les grelots de ma mule / seront des grelots de frêne.

Je stipule, / dit le dauphin, / que les grelots de ma mule / seront en coeur de sapin.

Je stipule, / dit l'infante, / que les grelots de ma mule / seront faits de palissandre.

Je stipule, / dit le fou, / que les grelots de ma mule / seront des grelots de houx.

Mais quand on appela le menuisier / Il n'avait que du merisier.

Maurice Fombeure - Naïf

Les vérités les plus profondes sont parfois les plus simples à énoncer et à comprendre. Dans ce cas, il arrive que ce soient les poètes qui s’en emparent.

Qu’est-ce qui fait que le roi soit supérieur aux gens de sa cour, Reine, Dauphin, Infante en tête ? C’est qu’il est plus malin. Il fait mine d’exiger ce qu’il sait qu’on ne pourra pas lui refuser : demander du bois au menuisier. Mais tous les autres se croient plus fort que lui : ils raffinent, demandant des essences d’arbre très précises ; ils n’auront rien. Plus grave : leur puissance sera prise en défaut par un simple artisan : la volonté souveraine peut bien commander aux hommes ; elle ne peut rien sur les choses ni sur les faits. On gouverne les hommes, mais on ne peut que gérer les choses.

Voyez nos hommes politiques : tant qu’il s’agissait de se faire élire, ils pouvaient décider de ce qu’il fallait faire (« Je stipule qu’il faut – baisser les impôts, supprimer le chômage, vaincre l’illettrisme… »). L’élection passée, à quoi bon continuer à travailler l’opinion publique ? Ce n’est pas elle qui détient les clefs du pouvoir, mais les banquiers, les entrepreneurs, les chefs des autres Etats… Car « Quand on fait venir le grand argentier, / Il dit que la caisse est percée. ».

Mais certains veulent faire croire qu’ils maîtrisent la réalité par la force incantatoire du verbe.

Mais là c’est le conte d’Andersen qu’il faut évoquer. Vous savez : le Roi nu.

3 comments:

Anonymous said...

"La force incantatoire du verbe".
Comme le signalait un précédent post, parfois "dire c'est faire". Et comme le rappelle la Bible : "Au commencement était le Verbe".

Jean-Pierre Hamel said...

Oui... La puissance du verbe est proportionnelle à celle de son utilisateur.
Moi, quand je dis : "Que la lumière soit", il ne se passe pas grand chose.

Jean-Louis said...

Le commentaire de J-P Hamel est astucieux, mais il oublie un détail (ou l'essentiel ?) : on ne peut pas faire des grelots de bois... Ce que "stipule" le roi n'est donc pas destiné à résoudre un vrai problème (l'illettrisme etc.), mais à satisfaire un caprice...