Monday, August 09, 2010

Citation du 10 août 2010

Si mon professeur [de composition musicale] m’ordonne d’être moderne tout en m’expliquant qu’être moderne, c’est désobéir à ses professeurs, que dois-je faire ?

Jérôme Ducros (pianiste et compositeur) article publié dans Libération du 16 avril 2010 (p.28)

Art moderne I1

Bonne question, n’est-ce pas ? En tout cas question pertinente dans le domaine artistique où la création apparaît comme porteuse de rupture – parce que simplement prolonger ce qu’ont fait les maîtres parait souvent bien présomptueux.

Alors bien sûr, il n’est que d’aller visiter des expositions de peinture – du genre de la Fiac – pour s’en rendre compte : il y a toujours des peintres cubistes, impressionnistes etc. (1)

Mais justement, l’étonnement qui nous saisit alors montre bien que pour nous, la rupture est intimement liée à la notion d’œuvre d’art ; au point que comprendre une œuvre du passé, c’est bien souvent découvrir dans quelle mesure elle a été de son temps révolutionnaire.

Peut-on trouver – comme le suggère notre citation – des professeurs de rupture ? Des gens qui vous diront : Voilà ce que moi je sais faire ; à vous d’inventer le reste.

A moins encore une fois de croire qu’on est dans une logique du dépassement, il faudra pour qu’il y ait rupture qu’on détruise ce qui a été fait, ou du moins qu’on méprise l’attente du public et des critiques. Qu’on tue le père et qu’on brûle son cadavre.

Mais ça ne suffira pas, parce qu’il faut encore inventer quelque chose de nouveau, car faire le contraire de ce qui a été fait, c’est s’inscrire dans une mode, pas dans une histoire (2).

Je ne suis pas artiste, et encore moins critique d’art. Mon avis ne vaudra donc pas grand-chose c’est pour ça que je vous le donne gratis : moi, je crois que l’artiste ne fait que reprendre ce qui existe déjà dans la société, mais en le transposant à un niveau différent, celui de la représentation esthétique.


C’est ainsi que Fernand Léger raconte qu’il a conçu un style nouveau pour ses tableaux (dont il disait que plutôt que cubistes, on aurait dû les nommer tubistes) en voyant des ouvriers travaillant sur un chantier dans le Grand Palais où il préparait une exposition.

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(1) Dans le domaine musical il suffit d’écouter les bandes originales de certains films pour avoir l’impression que Tchaïkovski est ressuscité.

(2) Ou alors dans une histoire cyclique donc immobile. C’est ainsi que l’auteur-composteur de l’article cité pronostique un retour de la musique à la tonalité, faisant que « la musique préférée des mélomanes finisse par être celle des composteurs de leur temps ».

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