Tuesday, August 10, 2010

Citation du 11 août 2010


[Le romantisme], c’est l’art de donner aux peuples les œuvres qui, dans l’état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible.

Stendhal

Art moderne II1

Et revoilà la problématique du plaisir…

Quel problème ?

Hé bien, disons que l’art moderne, à la différence d’un académisme désuet, devrait être celui qui permet aux œuvres d’atteindre leur public en lui donnant du plaisir. Autrement dit, il est moderne parce qu’il peut toucher directement notre affectivité, sans qu’on ait besoin d’une culture historique pour le décoder.

On peut être sceptique devant un tel programme, mais admettons un instant qu’il soit réalisé - comme le suppose Stendhal à propos du romantisme. On se trouve alors devant une autre difficulté : car si l’art moderne doit faire vibrer les émotions, n’est-il pas, tout moderne qu’il soit, que l’adaptation des œuvres à l’affectivité du public ? Moyennant quoi, n’y aurait pas d’histoire de l’art, mais seulement une histoire de l’affectivité humaine – ou plutôt une histoire de moyens de l’exciter.

Si on admet que le kitsch est précisément l’art qui donne du plaisir, alors voilà encore un autre problème, car voilà effacée la frontière entre l’art et le kitsch, ou plutôt si on veut à tout prix maintenir cette frontière, reconnaître au moins qu’elle est socioculturelle et non esthétique.

Ce qui revient à dire qu’entre une œuvre kitsch et une œuvre reconnue comme « esthétique », il n’y aurait qu’une différence de codes culturels : le kitsch, c’est le plaisir des autres – de ceux qui me sont socialement « inférieurs ».

… J’avoue que cette conception ne me plaît pas trop. Bien sûr, ce n’est pas une raison pour la rejeter. Mais peut-être en est-ce une pour chercher une autre hypothèse.

Laissant de côté les perspectives grandioses de l’esthétique platonicienne, je me demanderai si l’art n’est pas aussi une façon d’éprouver des sensations là où d’habitude on n’a que des idées. L’art serait alors ce qui donne à vivre ce que d’habitude on ne fait que penser, en inscrivant dans le concret du vécu ce qui ne serait autrement que de l’abstraction.

Voyez par exemple le Dies ire du Requiem de Verdi. On peut penser « abstraitement » la colère de Dieu. Mais il nous faut la musique pour sentir qu’Il nous a jeté le gouffre de l’Enfer, et qu’on y tombe en tourbillonnant.

Maintenant, on la sait : la colère de Dieu, c’est ça. Même si ça ne nous fait pas vraiment plaisir (1).

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(1) Si vous visionnez la vidéo mise en lien, regardez bien Abbado dans la toute dernière seconde du passage : il est comme épouvanté par l’œuvre qu’il vient de diriger, comme s’il était entrain de remonter de l’enfer.

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