Tuesday, August 31, 2010

Citation du 31 août 2010

Il y a des préjugés universels, nécessaires, et qui sont la vertu même. Par tout pays on apprend aux enfants à reconnaître un Dieu rémunérateur et vengeur ; à respecter, à aimer leur père et leur mère ; à regarder le larcin comme un crime, le mensonge intéressé comme un vice, avant qu'ils puissent deviner ce que c'est qu'un vice et une vertu.
Il y a donc de très bons préjugés : ce sont ceux que le jugement ratifie quand on raisonne.

Voltaire – Dictionnaire philosophique



Quand une citation contient une maxime, vous pouvez la formuler, et puis l’expliquer ensuite. Voltaire fait l’inverse : d’abord l’explication, ensuite la maxime. Vous ce qui s’appelle être pédagogue. J’approuve.
Restent encore quelques petits éléments à dégager. Pour aller à l’essentiel, je noterai que Voltaire considère le préjugé comme un jugement en attente de validation, et non comme une catégorie particulière d’opinion. Ou si vous préférez, les préjugés sont définis à partir de leur forme et non à partir de leur contenu.
En quoi consisteraient des préjugés définis à partir de leur contenu ? Le TLF en dresse cette liste que voici :
Préjugé aristocratique, catholique, classique, héréditaire, moral, national, populaire, religieux; préjugés racistes, sexistes; préjugé étroit, grossier, tenace; préjugé de caste, de classe.
Or c’est précisément ce que Voltaire exclut : un préjugé catholique par exemple, n’est pas préjugé parce que catholique, mais seulement en tant que jugement pas encore ratifié par le raisonnement.
Si donc on admet comme lui qu’il y a de bons et de mauvais préjugés, ce ne sont pas par leur contenu qu’il faut les distinguer des jugements authentiques, mais par leur mode d’existence. Les uns sont en puissance des raisonnements, les autres pas – parce qu’aucun raisonnement ne parviendra jamais à les ratifier.
Dans le même ordre d’idées, une hypothèse scientifique n’est hypothèse que tant qu’on n’a pas entrepris de la vérifier. Ensuite ou elle devient une loi, ou elle n’est qu’une erreur.
- Il existe certes un emploi absolu du mot préjugé, qui le définit comme préjugé raciste ; il s’agit alors résulte d’un raccourci, le préjugé raciste étant supposé impossible à valider par un raisonnement démonstratif.
On serait tenté de dire que cet emploi du mot est lui-même un préjugé.

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