Thursday, February 23, 2012

Citation du 24 février 2012

L'amour, c'est d'abord aimer follement l'odeur de l'autre.

Pascal Quignard – Vie Secrète

Je reviens sur la question des odeurs, et plus particulièrement sur son rôle dans l’amour.

Non pas pour évoquer je ne sais quelle attractivité physiologique des odeurs sexuelles qui nous prédisposeraient au rut, comme chez l’animal. Car il s’agit, comme on le comprend à la lecture de cette citation, des odeurs qui sont la signature du corps de l’aimé(e), celles qui en exprime la plus intime essence.

Toutefois, on peut trouver deux raisons bien différentes à cet attachement à l’odeur de l’autre :

- la première correspond à cette particularité des odeurs de notre aimé(e) d’être une émanation de son corps. Ces particules très subtiles que nous inhalons lorsque nous sommes dans l’intimité de son corps, sont, selon Sartre, l’occasion de fusionner son corps avec le mien.

Il est vrai que sentir l’odeur du corps aimé est peu de chose à côté du baiser, puisqu’on peut absorber d’avantage de ses particules par la bouche que par le nez. C’était, rappelons-le le thème de l’opuscule de Patrizi sur le baiser.

- la seconde est plus psychologique. Elle correspond à cette particularité de la mémoire d’être réactivée à l’occasion de sensations associées dans le passé à un évènement précis. Qu’on songe à la petite madeleine de Proust, mais aussi à nos propres expériences, et plus particulièrement amoureuses, puisque c’est là notre propos du jour.

La bien-aimée est pour notre mémoire, musique, parfum, odeurs. On oubliera peut-être jusqu’au son de sa voix, jusqu’à la lumière de ses yeux, jusqu’au contact de sa peau sur la nôtre. Mais on n’oubliera jamais l’odeur de son corps, pour peu qu’on en retrouve la trace dans un linge abandonné, dans une lettre parfumée pour avoir séjourné dans les plis de son corsage (1). C’est par exemple comme ça qu’on comprend le pouvoir si attractif de la lingerie féminine sur l’homme : c’est qu’elle fonctionne comme un piège à odeurs.

Si vous en doutez, rappelez-vous Madonna. Que faisait-elle en scène, du temps de ses prouesses érotico-musicales ? Elle retirait sa culotte et elle la jetait aux spectateurs. La légende veut qu’à Bercy, ce fut Jacques Chirac, alors Premier ministre, qui assistait à son concert qui l’ait attrapée.

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(1) C’est ainsi qu’on comprend qu'à l’odeur corporelle, si essentielle dans la première forme d’attachement, puisse se substituer le parfum artificiel.

5 comments:

FRANKIE PAIN said...

très beau billet, vous aviez donné votre patoune sur ce sujet quand j'avais mis cette citation et j'avais beaucoup apprécié déjà.
oui notre nez .
quel amoureux vous étes!

dans mon atelier d'écriture je fais toujours travaillé sur une odeur car c'est incroyable là où elle nous même dans la récolte de mémoires et çà nous même loin
je vous embrasse cher jean pierre

Jean-Pierre Hamel said...

Écrire non pas sur les odeurs, mais les odeurs : c'est sans doute ce qui est très difficile.
Selon moi, le maître dans ce domaine, c'est Baudelaire.

Thalie said...

Vous êtes un garçon, mais cela marche ds l'autre sens, aussi. Jeune mariée, j'enfilais un pull de mon aimé, parti au loin pour travailler; nous étions tjrs ensemble, ainsi; (c'est ce que je m'imaginais)
Ca m'a passé, hélas!

Anonymous said...

Bon, je ne vois pas ça comme ça....

Quand on aime qq'un - une- on l'aime en entier... peut-être l'empire des sens.... On aime l'odeur... à cause de la personne?

Ma grand-mère, par exemple- alors qu'elle n'avait pas d'affection particulière pour moi- se poudrait à la poudre de riz. Récemment, j'ai trouvé un savon qui avait ce parfum ... une merveille....

On ne peut tout expliquer, j'aime le clavecin, et je n'ai aucune formation musicale : pour le plaisir ce lien:

http://www.youtube.com/watch?v=_Hw9wCPMfmI&feature=player_embedded

qui n’est peut-être pas le meilleur, mais je le trouve joyeux !

Et comme les musiques, il y a des odeurs qui nous enchantent…
Le livre « Le parfum » de l'écrivain allemand Patrick Süskind, un vrai bonheur …

Bonne soirée...

F'(ANSAN)

Jean-Pierre Hamel said...

On aime l'odeur... à cause de la personne?

- Sans doute, oui. En tout cas ça évite de se poser la question des influences que les odeurs peuvent avoir directement sur nous, et qui alimentent en permanence les pubs pour les parfums (= devenez la personne qui est suscitée par notre parfum !).
En tout cas l’excellent livre que vous citez tranche quant à lui pour le pouvoir des odeurs/parfums totalement indépendants des individus qui les portent.

- Merci pour l’extrait de Rameau. Si vous aimez Rameau, profitez du 3ème centenaire de Rousseau pour dénoncer une bonne fois pour toutes l’ineptie de ses critiques contre lui.