Wednesday, April 18, 2012

Citation du 19 avril 2012


Presque tous les esprits errent autour de la chose qu’ils veulent exprimer, sans aller jusqu’à elle, ou sans l’entamer entière. De là vient peut-être qu’en matière d’esprit, on a nommé sublime ce qui n’est que cet excellent vrai toujours manqué.
Marivaux.
Commentaire II
Pourquoi écrire – et pourquoi lire ? – si on manque toujours à dire ce qu’on cherche à dire ?
--> Simplement pour donner l’occasion au commentateur de déployer son talent de dire ce qu’on a donc échoué à dire.
On voit où je veux en venir : en tant que commentateur de citations, on pourrait me reprocher justement de substituer mes mots à ceux de l’auteur, voire même de délayer inutilement ses formules (ce qu’on appelle une paraphrase).
Contre quoi Marivaux dira que tous les esprits errent autour de la chose qu’ils veulent exprimer, et donc qu’ils ouvrent la carrière à leurs commentateurs. Tout texte est susceptible d’être commenté, même s’il ne le mérite pas forcément.
1 – La raison en est que chaque texte pointe vers un sens qu’il suggère, sans pouvoir le dire vraiment.(1)
2 – Que ce sens du texte – ce qu’on appelle son esprit –  est forcément au-delà de sa lettre.
3 – Que le commentaire étant lui-même un texte appelle également un nouveau commentaire.
Nous ne faisons que nous entregloser disait Montaigne (2)
Mais alors qu’on pourrait s’en plaindre, concevons que certains textes méritent plus que d’autre d’être commentés ; et que certains commentaires méritent plus que d’autres d’être lus.
Qu’est-ce donc qu’un bon commentaire ? C’est celui qui enrichit le sens du texte, sans le trahir – c’est-à-dire en préservant son absolue originalité, par exemple qui évite d’en faire un moment d’une théorie qui existe en dehors de lui, et qui fait qu’on pourrait s’épargner la peine de le lire.
Qu’est-ce donc qu’un bon texte ? C’est celui qui appelle un commentaire de ce genre, c’est-à-dire qui se tient à égale distance de l’absolue clarté – ce qu’on appellera ici une platitude – et de l’obscurité défensive (celle dont on parlait hier avec Nietzsche). Bref : un bon texte est celui qui donne à penser.
------------------------------------------
(1) Marivaux ajoute qu’à vouloir le dire, on va au-delà du point de clarté où le texte commence à s’affaiblir nécessairement (voir ici).
(2) Voir ici.

No comments: