Friday, April 06, 2012

Citation du 7 avril 2012

C'est le premier des biens de vivre sans chagrin.

Regnard – Satire contre les maris, vers 5e avant-dernier

…le bonheur sans autre raison que le bonheur d’être.

Daniel Pennac – Journal d’un corps (p.176)

On peut être tenté de stigmatiser ces conseils de bonheur, comme étant benêts et naïfs : qui donc ne souhaiterait d’être heureux ? Qui donc a besoin de s’entendre dire : n’oublie pas que tu es sur la terre pour vivre heureux ! C'est le premier des biens de vivre sans chagrin – évidemment ! Mais voilà : ce qui est ballot, c’est qu’on ne sait pas comment y arriver.

Est-ce que la remarque de Daniel Pennac ajoute quelque chose ? S’il faut une raison d’être heureux pour accéder au bonheur, suffit-il de constater qu’existe le bonheur d’être ? Parce que, dans ce cas, ce n’est pas le bonheur qu’il faudrait expliquer, mais plutôt le malheur ; là serait la vraie énigme. Comment l’existant, qui jouit de la vie, peut-il donc être malheureux ?

Je dirais volontiers que la question n’est pas méprisable : la morale épicurienne est là toute entière.

Le bonheur est un plaisir qui ne se pense pas comme provisoire, un peu comme le condamné à mort qui boit avec délice son verre de rhum devrait, pour être heureux, ignorer ce qui va arriver tout de suite après. Mais, nous n’avons que faire du verre de rhum : le plaisir vient du simple sentiment de son existence, quasiment corporelle ; le bonheur est un effet de l’élan vital, et tant que le couperet n’est pas tombé, l’homme peut l’apprécier – rhum ou pas. Ce n’est pas le bonheur qui est une illusion c’est le malheur.

D’où vient en effet le malheur ? Il vient de la confusion entre nos peurs et la réalité. Nous croyons par exemple que la mort est effrayante, parce qu’elle est la menace d’une vie éternelle de damné. Ou que la souffrance risque de nous étreindre indéfiniment.

Il n’en n’est rien (1).

Reste que ces fantasmes morbides ne sont pas seulement des rêves illusoires. Ce sont aussi des forces redoutables qui en affaiblissant notre énergie vitale nous prive du bonheur d’être.

Chasser le malheur, c’est donc rechercher tout ce qui peut dissiper nos craintes en nous faisant voir la vie plutôt que la mort. C’est en ce sens que j’aimerais comprendre la « conversion » morale.

Oui, mais : comment y arriver ? Faut-il donc être inconscient comme la bête pour rester heureux ?

Répondre à cette question, c’est s’engager dans un long exposé, qui mobilise les philosophies de la volonté – pour ne rien dire des matérialismes antiques. La création artistique pourrait bien être une issue – à côté de la science du sage, bien entendu.

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(1) On a déjà évoqué les remèdes à ces craintes ici.

3 comments:

FRANKIE PAIN said...

vous m'épatez toujours quoi dire de plus
si ce n'est quand plus des mots que l'on savoure lc'est le passage d'une pensée qui s'ajoute à l'autre comme un bon cocktail de fruit juteux ou avant lemélange on en savoure chaque nectar
bon samedi cher érudit partageur
frankie pour vous lire...(lol)

Jean-Pierre Hamel said...

Merci pour ce compliment gouleyant, mais point trop n'en faut, sinon je vais devenir vaniteux, c'est à dire indésirable.
Joyeuse Pâques, chère Frankie.

FRANKIE PAIN said...

quand on a de la rigueur et que l'on sait telle est ma devise celle de François pompon après un succées le beau lapsus je rentre dans mon atelier et je travaille.

vous devez être de cette trempe même à la retraite
belles pâques