Friday, August 24, 2012

Citation du 24 août 2012


Le bien et le mal n'existent pas. Le bien et le mal sont les deux faces inversées d'un même principe. Au fond, ce n'est que des mots. On s'en sert pour qualifier les forces qui façonnent le monde. Elles ne sont pas antagonistes mais complémentaires. La seule différence est que ce qu'on appelle le mal est plus avantageux que le bien, ou mieux rémunéré.
Jean Dutourd – Journal intime d'un mort


Houlà ! Ça confusionne pas mal ici ! Car, le Bien et le Mal, ou bien ils existent, ou bien ils n’existent pas ; et s’ils n’existent pas ils ne peuvent en tout cas pas être complémentaires. Et encore moins être des forces qui façonnent le monde.
En plus : si le mal est le plus avantageux, pourquoi n’est-il pas alors défini comme étant le bien ?
On peut pardonner à Jean Dutourd la confusion de sa pensée en disant qu’il ne s’agit après tout que d’un journal. On peut admettre en effet que dans l’extrait d’un Journal intime, il puisse y avoir des trous, des sous-entendus, et qu’il suffit de restituer tout ça pour que ça marche. Essayons.
1 – On supposera donc que ce qui n’existe pas, c’est le Bien et le Mal absolus, métaphysiques, avec des qualités opposées qui en font de l’un un Etre et de l’autre un Non-Etre. Le Bien et le Mal dont parle Dutourd existent bien, non pas certes l’un par rapport à l’autre, mais l’un et l’autre par rapport à un jugement extérieur.
2 – Ce jugement porte sur leur caractère avantageux. Le cynisme qui consiste à dire que le Bien – comme le Juste (cf. Platon) – c’est ce qui nous est avantageux, est ici évité par une simple inversion : c’est ce qu'on appelle le Mal qui est plus avantageux que le Bien. On veut dire alors que le Bien est ce qui couronne l’effort et la constance dans l’effort. Ce jugement est un jugement moral, dans le genre de l’aphorisme de Kierkegaard : Ce n'est pas le chemin qui est difficile, c'est le difficile qui est le chemin. (Cité le 8 septembre 2006).
3 – Toutefois, la subjectivité ne suffit pas totalement à établir le Mal et le Bien. Si le Mal est l’« avantageux » alors il n’est pas une illusion, car il implique des forces efficaces, agissant dans le monde. Le Mal et le Bien, constituent les forces qui façonnent le monde.
4 – Et donc il est néfaste de vouloir chasser le Mal : puisque le Bien et le Mal sont des forces indispensables du monde réel, vouloir déraciner le Mal, c’est aussi vouloir détruire le monde.
… Un peu comme avec cette fable africaine (que je cite de mémoire) : il y avait un arbre qui donnait deux fruits d’apparence identique, mais différents en nature : l’un était succulent  et bon pour la santé ; l’autre était un poison violent. Un homme cueillit un de ces fruits, et malgré le danger il y mordit. Il fut rassasié, car il était tombé sur le bon fruit.
Le lendemain l’arbre était mort.

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