Monday, August 27, 2012

Citation du 27 août 2012


Fouiller poubelle est illégal.
La pauvreté est illégale ?
Charles de Leusse – 1616 (publié en 2004)
Du sac en plastique, la jeune fille sort de la nourriture et la porte à sa bouche. On hésite un peu, a-t-on bien vu ? On ajuste son attention, son regard. Dans sa main, ce sont des épluchures de pommes. Elle les croque, une à une, sans précipitation. Comme si c'était la chose la plus normale du monde
Katie Brenn, Le Monde-Dimanche du 13/04/1980 (Voir un extrait en Annexe)


Errance.
- J’avais pensé à faire partager un texte qui date de 1980 relatant un fait pour lors quasiment anecdotique d’une jeune fille installée dans le métro parisien qui mange des épluchures de fruits et de légumes – sans doute en guise de déjeuner.
- Puis, j’ai recherché sur le Net si ce texte se trouvait et je l’ai effectivement trouvé (cf. référence ci-dessus) : mais dans quel état ! Sans nom d’auteur, dépecé pour un obscur exercice de … de quoi au fait ? Apparemment de linguistique, mais je n’en suis pas sûr. Par contre ce qui est sûr c’est que le sens de ce texte n’intéresse vraiment pas le professeur en question. J’ai donc imaginé un Post vengeur anti-exercice de « linguistique ».
- Et puis, je me suis rappelé du Post mis en ligne ici – en date du 22 octobre 2011 – concernant ceux qu’on appelle poétiquement « les glaneurs de poubelle » et qui sont sans doute les enfants de cette jeune femme rencontrée dans le métro il y a 30 ans.
Un jour, j’ai vu de mes yeux un homme faire les poubelles de restaurants en plein centre-ville (de Reims) et s’asseoir par terre pour manger le produit de sa pioche (= de son glanage). Je n’ai pas oublié mon émotion d’alors : d’un coup j’ai eu l’impression d’être reporté dans le Paris de Victor Hugo : Les Misérables – la brioche jetée  aux cygnes du Jardin du Luxembourg, et les petits pauvres qui la repêche pour la manger... (A lire ici)
Oui, c’est bien cela : d’un coup j’ai compris que le progrès n’était jamais acquis, que l’histoire pouvait faire marche arrière et encore plus vite qu’on ne l’imaginerait. Les pauvres peuvent manger des épluchures ou des rognures, et puis on peut leur donner comme autrefois des viandes avariées en disant : « après tout, les pauvres ont des estomacs plus solides que ceux des riches ».
Alors, reculez dans le passé d’un cran de plus : c’est vous-mêmes qui allez vous trouver sur le banc à manger des épluchures. Et encore, quand on voudra bien vous en donner.
Nous sommes tous des Grecs.

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Annexe : « Le métro qui arrive, belle mécanique. Automatiquement, on s'assied, on ouvre son journal, les titres : "Giscard", "L'Afghanistan", "Le chômage des jeunes". De l'autre côté du journal, une fille, cheveux longs, robe en jeans, un faux air de fille-fleur des années 70. Démodée pour tout dire. Dans son regard, un peu de fatigue. Elle a vingt ans, vingt-cinq ans au plus. Sur ses genoux, elle tient un sac en plastique blanc, des courses probablement. On vient de passer la station Chambre-des-Députés. On est toujours avec ses pensées. Du sac en plastique, la jeune fille sort de la nourriture et la porte à sa bouche. On hésite un peu, a-t-on bien vu ? On ajuste son attention, son regard. Dans sa main, ce sont des épluchures de pommes. Elle les croque, une à une, sans précipitation. Comme si c'était la chose la plus normale du monde. Puis ce sont des épluchures de carottes et de pomme de terre. La terre des légumes reste sur ses lèvres. Du sac, elle tire ensuite des emballages de petits-suisses, puis elle racle, avec ses ongles, tout ce qu'y a laissé une cuiller négligente. Dans ce coin du wagon, le silence s'est fait. On n'entend plus que le bruit des petits cylindres de plastique qu'elle triture pour n'en laisser rien perdre. » Katie Brenn, Le Monde-Dimanche du 13/04/1980

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