Tuesday, August 28, 2012

Citation du 28 août 2012


Comme le souvenir que laisse un mort est supérieur à sa vie ! Il n’y a pas des déchets.
Jules Renard – Journal

Jules Renard vise juste et il tape fort. Et tout ça en très peu de mots.
Faute de savoir en faire autant, j’aimerais revisiter cette pensée sur les nécrologies.
L’idée est que l’hypocrisie des amis du défunt les conduit à faire l’éloge funèbre de l’ami décédé en gommant ses erreurs et ses méchancetés, en soulignant ses réussites et ses beaux gestes. Luttant probablement contre un sentiment de culpabilité (on est peut-être pour quelque chose dans sa disparition ? Ou bien : pourquoi sommes-nous encore vivant, alors qu’il n’est plus ?) – on sort l’encensoir pour calmer son fantôme qui, sinon, pourrait bien venir nous tirer les pieds la nuit.
Mais soyons honnêtes ! La pensée de Jules Renard nous emmène quand même un peu plus loin.
Le sens d’une vie n’est autre que la vie elle-même, la vie entière, avec ses hésitations ses échecs et ses reprises. Y compris les vies qu’on refait parce qu’on a raté la précédente. Tous ces déchets finissent par disparaitre quand le trépas a mis le mot « fin » après son dernier instant. Pourquoi ? Parce qu’ils deviennent alors des révélateurs d’une logique plus profonde, plus cachée, issue de couches souterraines de la personnalité. Un peu comme l’historien qui considère que l’évènement n’est rien d’autre que le surgissement de ce qui existait depuis longtemps sans qu’on ait pu le voir, le déchet de la vie n’est que l’interférence de notre personne cachée dans nos profondeurs avec les aléas de l’existence – et de nos choix.
Tu redoubles ta terminale et tu viens d’être collé au bac ? Ta femme t’a quitté alors que tu avais tout misé sur ton couple ? Tu as pété tes ligaments croisés et ça compromet définitivement tes espoirs de gloires olympiques ?
--> Avant de te jeter à l’eau avec une pierre au cou, demande-toi si quelque chose de neuf ne va pas surgir après ça, quelque chose que tu n’as certes pas « voulu », mais que tu aurais pu vouloir – si tu l’avais prévu.

2 comments:

Anonymous said...

Oui mais...
je viens de perdre ma mère et je ne vois pas trop ce qui en découle de bien: l'héritage? J'ai fait sans jusqu'à présent, et les démarches, les affrontements avec la famille, je m'en passerais. La contrainte de la maladie qui s'en va? Elle a soigné mes rougeole, bobos, etc, je pouvais le lui rendre. elle n'était pas assez âgée pour avoir fait son temps (et elle en voulait plus!)
Je ne sors pas forcément l'encensoir, mais ds ce cas, un bien pour un mal, ou un mal pour un bien, je ne sais plus, et bien... j'ai du mal!
S.

Jean-Pierre Hamel said...

Je ne dis pas que le mort est bonne ou qu'elle est mauvaise. Je dis simplement qu'elle met du sens lá où il n'y en avait pas forcément.
Développons : si la mort est l'arrêt de tout, qu'elle est l'anéantissement de la vie, qu'après elle, il n'y a rien, alors:
- ou bien la mort rend la vie absurde (Camus)
- ou bien alors elle transforme la vie en destin (Malraux)
- ou enfin par elle on peut dire quel est le sens de la vie qui s'est achevée, même si elle est intervenue contre la volonté et contre les efforts de la personne qui meurt. C'est alors peut-être une vie caractérisée par le courage et la lutte, ou bien marquée par l'échec, ou alors par la malchance, etc...