La discipline,
c’est l’impossible conquis par la répétition obstinée du possible.
Frédéric Gros – Marcher, une philosophie (p. 216)
Discipline II
« l’impossible conquis par la répétition
obstinée du possible. » Voilà une excellente définition – peut-être
pas de la discipline – mais au moins de sa fonction.
--> L’autre
jour, au concert, on joue le concerto pour violon de Tchaïkovski (1) : une
jeune virtuose coréenne se jette dedans comme une folle avec un tempo
infernal : l’orchestre, un peu pataud, suit comme il peut, et je me
demande, éberlué : Comment peut-on faire ça avec ses doigts ?
La répétition obstinée du possible, c’est la
réponse, mais bien sûr avec l’idée que le possible doit, chaque jour, être un peu
plus proche de l’impossible.
Seulement
voilà : pour cela il faut une discipline de fer. Que chaque jour on s’y
mette, comme ces danseuses qui disent que pour elles, il n’y a pas de vacances,
parce qu’alors elles reperdraient ce qu’elles ont si péniblement gagné.
Et donc c’est
la discipline qui rend cela possible, et la discipline, c’est la stricte
obéissance à sa volonté… ou alors à la volonté du coach ! Car comment être
assuré que l’on va supporter cette obligation qui impose tant de sacrifices et
parfois des souffrances ? On voit bien les nageurs faire des longueurs de
bassin des heures durant, chaque jour… jusqu’au jour où ils découvrent qu’il y
a autre chose dans la vie. C’est la discipline qui les maintient alors dans
l’eau, et souvent elle n’est consentie que parce qu’il y a la volonté
tyrannique de l’entraineur (2).
Nous voici bien
loin de l’image douce de la discipline que je tentais de diffuser récemment :
à bas la discipline, vive l’auto-discipline ! Hum… La tyrannie, oui :
il n’y a que ça de vrai !
Toutefois, on
peut aussi considérer qu’une telle contrainte peut être adoucie par l’ambiance
familiale : que de champions ont été désignés au berceau par leurs propres
parents – eux-mêmes sportifs – ce sans quoi ils n’auraient jamais faits les
efforts nécessaires. Un autre exemple, dans le même ordre d’idée : dans
les conservatoires de musique, on dit à propos des petits enfants qui viennent
apprendre à jouer d’un instrument : « Si les parents ne sont pas
eux-mêmes musiciens, ça ne marchera pas… »
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(1) Op. 35 en
ré majeur. C’est cette œuvre qui faisait le final du film Le Concert de Radu Mihaileanu
(2) Au point
que Philippe Lucas est demeuré célèbre, autant que sa championne Laure Manaudou
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