Citation du 2 mars 2014

Le notaire : Deux époux ! / C'est trop pour la coutume.

Molière – Les Femmes savantes (1672), acte V, scène 3,

Rappelons le contexte : on doit marier Henriette. Sa mère veut qu’elle épouse Trissotin (un pédant qu’elle admire), son père veut qu’elle épouse Clitandre (qui porte un amour partagé à Henriette). Le débat n’est pas tranché au moment de rédiger le contrat de mariage, d’où l’étonnement du notaire : deux époux pour une épouse : n’est-ce pas un peu trop – selon la coutume du moins ?

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Nous nous sommes déchirés sur la question du mariage pour tous. Deux époux, ça voulait dire : pas d’épouse – et réciproquement.

Seulement – nous n’y avons même pas pensé ! – ça pouvait vouloir dire : deux époux pour une épouse. Ou bien (toujours réciproquement) deux épouses pour un époux.

Bref : le mariage pour tous, on a traduit : pour les gays, pour les lesbi, pour les bi-, pour les trans- : OK !

Ah ! Mais pas pour les polygames ! Ça non ! Et pour les polyandres ? Non ! Et pour les polygynes ? Pas plus !

Qu’on ne se méprenne pas : je ne suis en train de dire que, quand on a franchi les bornes, il n’y a plus de limites, et qu’à vouloir supprimer des règles qu’on avait crues naturelles, on devient incapable de réguler la société.

Ce que je veux dire c’est que, si j’affirme que j’abomine la polygamie, ça n’apprendra rien à personne.

--> Ce qui importe, c’est de réfléchir aux limites justement : pourquoi passent-elles ici et pas ailleurs ? Qu’est-ce qui fait leur autorité ? Peut-on ou non les modifier ? Est-ce la Nature, Dieu, la coutume ou la loi qui en décide ?

Ce qu’il faut ? Ne pas se déchirer entre ceux qui sont « pour » et ceux qui sont « contre » ; mais éclairer les raisons qui nous font croire en l’un plutôt qu’en l’autre.

C’est peut-être pour ne pas avoir eu ce débat que les opposants au mariage pour tous ont été si virulents. En tout cas, on aurait pu noter que le Notaire des Femmes savantes savait déjà que le mariage, c’est une affaire de coutume et non de nature.