Dans un sondage, le peuple dit ce qu’il pense sans l’avoir pensé.
David Van Reybrouck
– Contre les élections (cité dans Libé du 8 mars p.27)
Van Reybrouck (écrivain et historien belge) propose un
système de gouvernement démocratique comportant – comme dans les démocraties
antiques – une part de représentants élus par tirage au sort parmi les citoyens.
Et de constater que si cette hypothèse fait scandale, on ne verrait pourtant
pas d’inconvénient que des décisions politiques soient prises par sondage
d’opinion. Or, dans un tel sondage, les sondés sont bien consultés au hasard. On
objectera peut-être que les instituts de sondage choisissent les personnes
consultées selon un calcul statistique : mais chacun reste parfaitement
anonyme et remplaçable par quiconque fait partie de la même catégorie sociale.
Le tirage au sort démocratique (comme pratiqué encore aujourd’hui dans les
jurys d’assise) partent de la même idée : tous les citoyens ont une égale
dignité pour participer aux délibérations.
Mais il y a plus : le sondage est un cran en dessous
des assemblées de citoyens tirés au sort, parce que les opinions qui se
dégagent dans ces statistiques sont des « pensées » sans
sujets-pensants : le peuple dit ce
qu’il pense sans l’avoir pensé. De quoi faire bondir Descartes hors de sa
tombe ! Par contre les citoyens quel que soient leur mode d’élection sont
des hommes qui doivent s’engager pour faire valoir leurs opinions.
Mais le tirage au sort aurait aussi un autre avantage
selon Van Reybrouck (un peu plus loin dans l’article cité) : « On aurait des représentants du peuple qui
pourraient décider sans souci des prochaines élections. »
Là, je tremble : ne risque-t-on pas de voir fleurir
des tyrans populaires, qui, puisqu’ils n’ont rien à perdre, vont faire le
pire ? Il est vrai que nos gouvernants, sachant qu’ils ont leur réélection
à jouer, ne font absolument rien, se disant que c’est comme ça qu’ils ne
froisseront pas les électeurs… Ce n’est peut-être pas le pire, mais ce n’est
sûrement pas le meilleur non plus.
Occasion tout de même de rappeler que pour un politicien,
comme le dit Machiavel, l’essentiel n’est pas de bien gouverner, mais de
conquérir et de conserver le pouvoir… sauf si c’est le hasard qui en décide !
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