Tuesday, November 02, 2010

Citation du 3 novembre 2010

Les hommes faibles sont les chiens des hommes fermes.
Diderot – Jacques le Fataliste et son maître



L’idée est un peu facile : les hommes « faibles » sont les chiens soumis aux hommes « fermes », ils sont leur souffre-douleur, et éventuellement ils leur servent docilement de garde du corps.
Des chiens de garde… Idée facile, mais paradoxale quand même : mais quand on voit à quoi ressemble un tel animal, on se dit qu’il faudrait réviser notre conception de la faiblesse : car les crocs de ce molosse sont tout sauf un symbole de faiblesse.
On peut alors faire deux observations :
- D’abord, la force physique est non une grandeur, mais un rapport. C’est ainsi que Rousseau, dans un texte maintes fois cité (ici même), disait que la force et la faiblesse physique n’étaient pas des propriétés des êtres, mais l’effet de leur situation concrète. Le pistolet du brigand est sa véritable force : que l’arme change de main et le fort devient le faible.
- Ensuite, que ces caractéristiques concernent aussi les personnalités. Diderot nous signale que la force et la faiblesse affectent non pas seulement le physique, mais aussi le caractère : dans sa citation, il oppose la faiblesse non à la force, mais à la fermeté – qui n’est pas une caractéristique du corps, mais la personnalité : un grand malabar irrésolu qui pleure en appelant sa maman est un faible.
Mais ne passons pas sous silence une troisième caractéristique de la faiblesse, qui est sans doute aussi importante et plutôt raccord avec notre citation : les faibles – ou du moins ceux qui se reconnaissent tels – recherchent la protection d’un homme fort. Et par protection, il ne faut pas simplement entendre une force sous laquelle ils puissent trouver refuge. Les faibles sont ceux qui attendent des forts les prises de décisions qu’eux-mêmes hésitent à prendre : c’est ainsi qu’Aristote justifiait l’esclavage. Il est avantageux d’être esclave, disait-il, quand on n’est pas capable de prendre par soi-même les bonnes décisions.
Peut-on généraliser, et voir là un indice indiscutable de faiblesse ?
Pourquoi pas ? Mais voilà : notre époque est celle des spécialistes qu’on convoque pour tout :
- Au secours dites-moi ce que je dois faire pour le petit qui fait pipi au lit, pour mon mari addict au foot, pour ma belle-mère jalouse, pour l’épargne dont nous ne sait que faire….

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