Wednesday, September 19, 2012

Citation du 20 septembre 2012



La révolte est une ascèse, quoiqu’aveugle. Si le révolté blasphème alors, c'est dans l'espoir d'un nouveau Dieu.
Albert Camus L'Homme révolté (1951)

Le scandale déclenché par les caricatures de Mahomet, commises par l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo nécessiterait de longues discussions sur la liberté d’expression et sur le respect dû aux fidèles des différentes religions.
Comme d’habitude je laisserai à d’autres ces débats pour prendre une question qui m’intéresse d'avantage : à quoi bon blasphémer ?
Oui, si Charlie Hebdo pratique le blasphème, c’est bien parce qu’il  y trouve une occasion de dire ce qu’il ne pourrait dire autrement. Oui, mais quoi ?
Par enfantillage, pour voir ce que ça donne ? Par volonté de mettre à bas une religion haïe ? Ou de s’en prendre au respect qu’il estime ridicule ? Peut-être s’en prend-il à toute forme de respect, que ce soit pour les morts, pour la foi, pour les idoles quelles qu’elles soient ? On s’en persuadera facilement en consultant « les Unes à scandale de Charlie Hebdo » sur le site de l’Express : Charlie est en révolte contre tout ce qui nous contraint à nous prosterner.
Oui, mais nous : pourquoi blasphémerions-nous ?
Il faudrait peut-être poser la question à nos amis québécois qui pratiquent le blasphème avec une grande facilité, par exemple en invoquant le Tabernacle - et sans doute, chez eux, l’emprise de la religion catholique est-elle en cause : chez nous pour blasphémer il faut s’en prendre à l’Islam. (1)
Pour être authentique, le blasphème doit d’abord être une manifestation de révolte et j’aimerais donc citer Camus qui est la référence en matière de révolte. L’homme révolté qui blasphème contre Dieu est en réalité un homme qui, obscurément, aveuglément, peut-être même sans le savoir, appelle un Dieu nouveau.
Certes, le Dieu qui est appelé par le blasphème peut n’être qu’un substitut de l’homme lui-même, un idéal obscur et mal défini. Il n’en reste pas moins que si le blasphème n’est pas une manifestation de nihilisme, ni un enfantillage « pour voir ce que ça donne », alors il est appel à une nouvelle transcendance.
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(1) Sur l’injure blasphématoire au Québec, voir cet article, qui montre la banalité du juron en question.

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Frankie Pain a repris mon Post et a présenté à cette occasion son point de vue : à lire sur son blog, ici

2 comments:

FRANKIE PAIN said...

merci de vous êtes attaché à cette sortie du charlie et que vous l'avez abordé sous cet angle . ma langue est pauvre en cette chose mais si pour les autres fois je suivais charlie là j'avoue être indignée , merci de l'avoir fait pour ces pauvres langues qui n'ont pas les mots pour le dire mais n'en pense pas moins , je vous embrasse cher jean pierre je fais un lien sur mon blog

Jean-Pierre Hamel said...

Votre message chère Frankie me donne l'occasion de revenir sur les caricatures de Charlie.
Je suis assez volontiers blasphémateur, et pourtant moi aussi je suis mécontent de l'opération caricatures de Charlie Hebdo, que je trouve un peu systématique et trop facile.
- déjà, il y a comme j'ai essayé de le dire, une manière plus subtile, et plus méchante de blasphémer - comme on le voit dans Hara-Kiri - avec la couverture de 1973 montrant "la face cachée de Jésus (= un homme crucifié vu de dos, avec la croix en pointillé).
- En plus vu comment on est obligé de fermer écoles et ambassades en pays musulmans, je me dis que c'est cher payé pour pas grand chose.