Définition - « Si on entend par luxe tout ce qui est au-delà du nécessaire, le luxe est une suite naturelle du progrès de l’espèce humaine »
Voltaire - Dictionnaire philosophique
Voltaire versus Rousseau (1) : nulle part peut-être leur opposition n’est plus éclatante… et signifiante, car elle reflète un débat fondamental au XVIIIème siècle concernant le rôle et la nécessité du luxe comme facteur de développement économique. Voltaire avec bon nombre d’encyclopédistes y voit la condition de la subsistance des sociétés humaines dans l’époque moderne. Rousseau par contre y voit la preuve de la corruption des mêmes temps modernes : pour lui économie et morale sont indissociables.
Ce débat sur le luxe est-il épuisé ? Epuisement de la planète, CO2 ; 4x4… Impossible d’entrer dans un tel débat ici. Reste à conceptualiser.
1- D’abord, la définition. Le luxe implique qu’un objet soit d’un coût dispendieux, qu’il soit raffiné et superflu : « Tout ce qui est au-delà du nécessaire » dit Voltaire. Mais alors le luxe est partout. Rousseau dit à ce propos : « le premier qui mit des sabots, à supposer qu’il n’eut pas mal au pieds était à blâmer ». On voit ici que, paradoxalement, plus le concept est précis, et plus son application pose de difficultés.
2 - Ensuite, la valeur. Le luxe est l’un des seul concept économique qui au XVIIIème siècle donne lieu systématiquement à des jugements de valeur morale, selon qu’il est jugé corrupteur ou valorisant pour l’être humain.
3 - Voltaire et Rousseau sont d’accord sur l’analyse du progrès. Il y a deux types de progrès : par conquête de satisfactions nouvelles pour des besoins insatisfaits ; et par débordement sur l’inutile, tous les besoins humains étant satisfaits dès le début, sans quoi l’humanité aurait péri avant d’entrer dans l’histoire. Le luxe fait partie de cette seconde catégorie, et c’est la raison pour la quelle il est selon Rousseau corrupteur - puisqu’il nous éloigne de ce que la nature avait voulu pour nous.
Voici le jugement que Voltaire porte sur le luxe : il n’est superflu que par rapport aux besoins, mais il est nécessaire pour le développement de l’humanité. De plus, comme facteur de progrès (il «est une suite naturelle du progrès de l’espèce humaine») il est bon, car la nature de l’humanité est de se développer dans l’histoire.
Quant à nous, qu’en dirons-nous ? Le luxe est invention, il invente aussi les besoins qu’il va satisfaire. Telle était déjà la thèse de Marx : les besoins sont tous historiques, ce qui veut dire qu’ils ne sont jamais naturels, mais qu’ils évoluent en même temps que la production économique. Le superflu d’hier est le nécessaire d’aujourd’hui. Et nous revoilà dans l’actualité.
Si ce n’est plus vrai pour les sabots, ça l’est encore pour les tongs.
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