Sunday, January 07, 2007

Citation du 8 janvier 2007

Le rire vient de l'idée de sa propre supériorité. Idée satanique s'il en fut jamais! Orgueil et aberration !

Baudelaire - De l’essence du rire et généralement du comique dans les arts plastiques

Le rire c’est du mécanique plaqué sur du vivant.

Bergson - Le rire

Un passant glisse sur le trottoir et s’étale de tout son long. Le spectateur de cet incident se met à rire, alors que pourtant la victime s’est peut-être blessée. Nos deux auteurs prennent le même exemple pour poser la même question : qu’est-ce que le risible ?

Pour Baudelaire, nous nous moquons de la victime : il est tombé là où nous aurions su passer sans encombre. Moquerie stupide, orgueil satanique, le rire est la trace morale d’une autre chute : celle qui nous a entraîné dans le mal.

Bergson répond par une référence à sa propre métaphysique : le rire fuse lorsque le corps vivant se transforme en pantin désarticulé. Chez l’homme qui tombe, le corps cesse d’être habité par le mouvement de la vie, pour se transformer en objet physique, livré d’un coup à la pesanteur et aux lois de la mécanique. A la vie, ductile et souple, toujours entrain de s’adapter à de nouvelles situations, s’oppose la pesanteur de la matière qui fige ces changements comme la lave qui, en se refroidissant, transforme son flot en pierre. Le rire est la revanche du mécanique sur la vie ; il est métaphysique. Bien sûr il faut adapter cette thèse aux différentes occurrences du rire ( voir plus particulièrement, dans l’ouvrage cité, le comique de répétition).

Bon arrivé là, vertige. Que dire qui soit à la hauteur de ces interprétations, nous qui sommes tout en bas, dans le vécu quotidien ? Si Baudelaire est plus intuitif (il suffit d’être soi-même une victime pour voir le rieur comme un crétin débile), Bergson est plus loin de l’expérience immédiate ; mais il permet de regrouper toutes les expériences du risible, qu’elles soient agressives ou innocentes. Il est plus « conceptuel » si vous voulez.

Mais, rien ne vous empêche de prendre les deux car c’est le même prix : celui de la disqualification du rire.


N.B. On peut aussi se reporter au message du 6 novembre

1 comment:

patrick said...

Le mépris est satisfaisant: moi je ne suis pas si inférieur!se dit on.

www.pourquoiquelquechose.com