Wednesday, January 17, 2007

Citation du 18 janvier 2007

Aristote dit que la vengeance est une chose juste, fondée sur ce principe qu'il faut rendre à chacun ce qui lui appartient.

Montesquieu- Mes pensées

Je résume un peu l’argumentation de Montesquieu (je reproduis la suite du texte en annexe) : la vengeance est la justification de la sanction ; elle n’en n’est pas la mesure.

Si la vengeance est exclue des tribunaux, parce qu’elle est sans limites et qu’aucune mesure de justice ne peut l’exprimer, elle n’en reste pas moins la justification de la sanction pénale (1). Autrement dit celle-ci n’a pas à être exemplaire ; elle n’a pas à punir la désobéissance à la loi. Et l’on n’a pas à condamner la vengeance en tant qu’elle est une passion dans le cœur des hommes, mais seulement à lui imposer le détour par la décision de justice.

Mais, si nous n’attendons pas que cet effet soit mesurable par les victimes en terme de compensation alors que pouvons-nous raisonnablement en attendre ?

On connaît la réponse : la prise de conscience par le coupable de sa faute ; le rachat de sa position dans la société parmi ses semblables. On connaît le résultat : il arrive qu’en prison le coupable le devienne un peu plus par une intention accrue de commettre des forfaits. Lorsqu’il sort de prison les honnêtes gens le considèrent comme un criminel, la sanction pouvant bien éventuellement compenser la faute, mais en aucun cas changer sa nature de criminel.

On est donc devant un double échec de la sanction judiciaire : impuissante à satisfaire le ressentiment des victimes (ou si elle le fait, elle crée du ressentiment chez le coupable), elle est dénoncée comme injuste ; insuffisante pour faire respecter la loi et éviter la récidive, elle est rejetée comme inappropriée.

(1) Voir message du 14 juin

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Annexe Texte « complet » de Montesquieu - Mes pensées
« Aristote dit que la vengeance est une chose juste, fondée sur ce principe qu'il faut rendre à chacun ce qui lui appartient.
Et c'est la seule façon que la Nature nous ait donnée pour arrêter les mauvaises inclinations des autres ; c'est la seule puissance coercitive que nous ayons dans cet état de nature : chacun y avoit une magistrature qu'il exerçoit par la vengeance.
Ainsi Aristote auroit bien raisonné s'il n'avoit pas parlé de l'état civil, dans lequel, comme il faut des mesures dans la vengeance, et qu'un coeur offensé, un homme dans la passion, n'est guère en état de voir au juste la peine que mérite celui qui offense, on a établi des hommes qui se sont chargés de toutes les passions des autres, et ont exercé leurs droits de sens froid.
Que si les magistrats ne vous vengent pas, vous ne devez pas pour cela vous venger, parce qu'il est présumé qu'ils pensent que vous ne devez pas vous venger.
Ainsi, quand la Religion chrétienne a défendu la vengeance, elle n'a fait que maintenir la puissance des tribunaux. Mais, s'il n'y avoit point de lois, la vengeance seroit permise ; non pas le sentiment qui fait que l'on aime faire du mal pour du mal, mais un exercice de justice et de punition. »

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