L'éternel mystère du monde est son intelligibilité
Albert Einstein - Pensées intimes
Suite du message du 3 janvier
Le monde est donc « intelligible ». D’accord avec Einstein ? Bon. Seulement, tout dépend de ce qu’on veut appeler « intelligibilité »… S’agit-il de se représenter l’univers ou bien s’agit-il de prévoir l’évolution des phénomènes ? Jusqu’à Newton, ces deux éléments allaient de paire ; mieux même, l’un était la condition de l’autre : comment en effet prévoir des phénomènes qu’on n’aurait pas compris ? Et comment les comprendre sans connaître les lois gouvernant leur évolution et leur rapport à d’autres phénomènes. Avec Newton, ça se gâte : la gravité est une action à distance inexplicable et pourtant parfaitement prévisible. Les lois de la gravitation universelles sont si parfaites qu’on les utilise toujours aujourd’hui, quatre siècles après, pour calculer la trajectoire des engins spatiaux ; et en même temps Newton disait, concernant la cause de l’attraction à distance « hypothesis non fingo », je ne fais pas d’hypothèses. On peut prévoir mieux que jamais les effets, sans comprendre les causes.
Einstein est le premier à expliquer les causes de l’attraction universelle (par la déformation de l’espace-temps du fait de la gravité des corps célestes - cf. théorie de la relativité généralisée), il est donc certain d’introduire plus d’intelligibilité dans la compréhension de la nature. Même si, en même temps, on dit que seuls quelques très grands esprits sont capable de comprendre les théories de la relativité…
Seulement, avec la physique quantique, patatras ! finie l’intelligibilité, les phénomènes physiques présents dans les particules de matière sont devenus incompréhensibles pour l’esprit humain. Non pas qu’il faille espérer la découverte d’une cause inconnue comme avec Newton ; non pas non plus qu’il faille être prix Nobel de physique pour y voir clair. Non, c’est plus radical : les lois de la physique quantique sont en parfaite contradiction avec les principes logiques qui régissent le fonctionnement de notre esprit, et avec les observations macrophysiques (1).
Il y a pire : pour Einstein, le monde - ou la nature - forme un tout, qui a son unité. Avec l’arrivée de la physique quantique il y a deux natures : celle qu’on observe dans les étoiles soumise aux lois de la relativité ; et la nature liée aux phénomènes corpusculaires soumis aux lois quantiques.
Et ne comptez pas sur moi pour vous rassurer sur l’unité de la nature en vous exposant la « théorie des cordes » : chacun a ses limites.
(1) Voir à ce propos l’intéressant numéro hors-série de Science et avenir consacré au chat de Schrödinger.
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