Sunday, April 17, 2011

Citation du 18 avril 2011

…l'opérateur, habile tacticien, n'attaquera pas la place comme s'il voulait la prendre d'assaut, mais, comme un tirailleur adroit, il s'avance sans bruit, écarte ou abaisse des broussailles ou des herbes importunes, s'arrête, cherche des yeux et, lorsqu'il a aperçu l'ennemi, ajuste et tire.

Maître Dardanus – Les bonnes pratiques de lavement (à lire ici)

De quoi parle-t-on ?

D’un soldat de commando ? D’un chasseur de lapin ? D’un cueilleur de champignons ?

Pas du tout. Maitre Dardanus explique comment procéder à un lavement. Oui, un lavement – un clystère si vous préférez.

Laissant de côté les mauvais jeux de mots que certains voudront faire sur le nom de l’auteur, je me consacrerai aujourd’hui encore aux mécanismes du comique.

Notons en effet que ce texte qui a probablement été écrit fort sérieusement, délaisse la représentation objective de l’opération (qui sans doute aurait été scabreuse), pour chercher dans l’image de l’action militaire un effet de surprise et en même temps une description qu’on puisse décoder sans mal.

Car si nous voulons que le comique produise autre chose qu’un haussement d’épaule il faut encore qu’il laisse transparaitre le réel en le colorant d’une façon significative. Ainsi : que la place à prendre d’assaut soit situé au niveau du postérieur, que les broussailles à abaisser existent sous forme de pilosité, que l’ennemi à ajuster soit … Chut ! Ne devenons pas à notre tour scabreux : ce qui nous intéresse, c’est ce que l’exemple nous apprend de généralisable, non le cas particulier (1).

Le principe apparait donc maintenant fort clairement : il y a des choses qui ont plus de force si on les laisse deviner plutôt que si on les dit. On peut même avoir recours à ce procédé en dehors des situations inconvenantes qu’on ne peut dire sans rougir ou choquer. Le procédé consiste en effet à renforcer le propos en faisant que ce soit l’autre qui pense ce qu’on veut signifier sans qu’on ait à le dire.

Mieux encore : c’est quand il le dit lui-même.

- C’est toi qui l’as nommé. (2)

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(1) D’ailleurs si la chose vous intéresse et vous intrigue, voyez l’attitude des protagonistes de l’illustration donnée ici.

(2) Voir la célèbre scène de l’aveu de Phèdre ici (Acte I, scène 3)

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