La reliure recommande un livre. Il faut qu'un livre rappelle son lecteur, comme on dit que le bon vin rappelle son buveur. Il ne peut le rappeler que par l'agrément. Un certain agrément doit se trouver même dans les écrits les plus austères.
Joseph Joubert – Carnets 1er avril 1797
Un blog consacré aux citations d’auteurs classiques mais qui ne dédaigne pas les faits d’actualité comme l’est celui-ci ne pouvait passer à côté du phénomène e-book.
Nous tous qui, sans être des geeks (1), avons l’habitude de lire des textes sur un écran d’ordinateur nous sommes, ou allons être, confrontés à la question : faut-il bazarder nos bibliothèques et installer une machine comme celle qu’on voit sur l’image ci-contre ?
Il semble que beaucoup soient troublés par le phénomène de dématérialisation des livres : en effet, alors que je n’ai pas entendu pleurer sur la disparition du CD remplacé par le MP3, voilà que beaucoup ne supportent pas l’idée
- de lire sur l’écran d’un livre électronique (peur de se ruiner les yeux ?) ;
- de ne plus pouvoir feuilleter les pages ;
- de perdre le contact sensuel avec cet objet de papier et de carton qu’on appelle un livre.
Joubert souligne un autre grief qui n’a pas été évoqué mais qu’on a présent à l’esprit : c’est la séduction du livre. Il semble même – et c’est cela qui nous retiendra – que cette séduction soit personnalisée, que tel aspect de tel livre nous incline à le prendre sur l’étagère et à le lire.
La reliure recommande un livre. Bien sûr Joubert n’avait affaire qu’à des livres reliés alors que nous ne connaissons pratiquement plus que les livres de poche avec une couverture de papier (paper-back) ; mais nos livres restent ce qu’ils ont toujours été : des objets personnalisés, dont le format, la couleur, l’épaisseur nous fait signe et semble nous dire quelque chose de leur contenu.
- Par exemple j’ai tendance à être séduit par les gros pavés, ces livres qui dépassent allègrement les 500 pages. On est bien comme le dit Joubert dans l’agrément et non dans la réalité objective. Mais sans cet agrément ferions-nous l’effort de lire ?
Voilà donc qu’avec un e-book, vous avec entre les mains un objet anonyme, qui peut être n’importe quoi, et surtout n’importe quel livre : il peut aussi bien être la Bible que la dernière livraison de la collection Harlequin. Risquons-nous de nous détourner de la lecture pour des raisons aussi frivoles que l’aspect matériel du livre numérique ?
Je ne sais pas. Mais en tout cas le manque de séduction est peut-être le grief le plus sérieux qu’on puisse avoir à l’encontre de l’e-book.
Mais bien sûr, le fait d’avoir un pareil doute, prouve simplement que je ne suis pas un vrai geek.
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(1) Je ne me lancerai pas dans une exploration de la geek-attitude, d’autres l’ont fait beaucoup mieux que je ne saurais le faire.
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