La croissance de l'homme ne s'effectue pas de bas en haut, mais de l'intérieur vers l'extérieur.
Franz Kafka
Je crois me rappeler que Kierkegaard comparait la jeune fille à un arbre qui jaillit du sol et qui croit ainsi, en gagnant de l’altitude. C’est d’ailleurs ce que nous pensons quand nous disons d’un enfant qu’il grandit : il s’éloigne du sol.
Alors écoutons Kafka : pour lui il y a aussi une croissance spécifique à l’homme – et non aux végétaux – qui est de croitre de l’intérieur vers l’extérieur.
Car si nous considérons la croissance des arbres, nous savons bien que chaque année ajoute un anneau d’écorce de plus à leur tronc. Mais justement : cet anneau s’ajoute de l’extérieur, de sorte que c'est le passé de l’arbre qui se lit dans le cœur de la plante.
Chez l’homme par contre, la croissance consiste à extérioriser ce qui n’était que potentiel – situé donc à l’intérieur de l’être. Cette croissance est donc différente de la croissance biologique, elle est propre aux êtres doués de spiritualité – ou plus modestement d’esprit.
- Reste que cette image de l’être humain extériorisant peu à peu ce qui n’était qu’en puissance en lui est peut-être une aliénation plutôt qu’une stimulation. On imagine en effet le jeune se regardant devant le miroir et se demandant : « Pour quoi suis-je fait ? » Et désespérant de lui parce qu’il ne se voit aucun destin tracé, même en pointillé. « Bon à rien ! Propice à aucun espoir ! Dénué de toute vocation ! »
Voilà pourquoi, contre cette conception aristotélicienne (1) je préfère le bergsonisme qui nous dit tranquillement que l’avenir n’existe pas, que ce qui est n’a pas été auparavant « possible », mais simplement qu’il faut l’inventer, le créer et que c’est en se faisant que ça devient et possible et réel – dans le même moment.
On dira peut-être que Pablo Picasso était un génie de la peinture à l’âge de 8 ans et que son père peintre a cassé ses pinceaux quand il a vu que son jeune fils était meilleur peintre que lui : d'où lui venait donc tout ce génie si précoce ? N'était-il pas inné en lui ?
Oui, mais voilà : Picasso a lui-même cassé sa palette pour remettre en cause ce qu’il était et ce qu’il savait. Devenir le peintre qu’il n’était pas – même en puissance.
Ou si vous voulez, dites alors comme Kafka que l’homme croit de l’intérieur vers l’extérieur, à condition que l’intérieur soit simplement cette force qui cherche à produire, inventer, dépasser.
Bref, faites du Nietzsche.
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(1) Conception consistant à dire que tout ce qui existe a été « en puissance » avant d’être « en acte ».
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