Wednesday, January 11, 2012

Citation du 12 janvier 2012

La douleur est un fait, et ne veut rien dire. Elle n'a pas de sens, pas de valeur, pas d'excuses. Même atroce, elle est insignifiante
André Comte-Sponville – Une éducation philosophique (1)
L'homme est un apprenti, la douleur est son maître, / Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert.
Alfred de Musset – La nuit d'octobre
(Déjà cité ici)
Douleur I
Pour qui (comme moi) arpente sans relâche les dictionnaires de citations en ligne, il est évident que certains préjugés y trouvent une expression, de par la fréquence de certaines citations.
Ainsi de la douleur, qui est le plus souvent évoquée comme signifiant quelque chose (ainsi que le montre la citation archi-connue de Musset).
Pourtant de temps en temps apparait une pensée différente, comme celle de Comte-Sponville.
La douleur est un fait, et ne veut rien dire : la Muse de Musset peut rentrer chez elle – Circulez, y a rien à voir. Nul sens, nulles valeurs, nul rachat. Vous qui souffrez, prenez de la morphine, vous n’aurez rien à y perdre sauf la souffrance justement.
On remarquera que cette attitude n’a été intégrée dans nos mentalités que récemment, et que ce ne sont pas les médecins qui l’ont poussée en avant : curieusement les centres antidouleur ont été longtemps ignorés dans nos hôpitaux, où la tendance était plutôt à l’indifférence vis-à-vis des tourments de la maladie. Bien entendu les religieux qui font de la douleur (et pas seulement celles de l’enfantement) l’occasion d’un rachat y ont vu une entreprise nocive, pour ne pas dire impie.
On aurait peut-être gagné du temps à être attentifs à la pensée épicurienne qui fait de la douleur un mal et du plaisir un bien. Quel mal peut-il y avoir à s’épargner le mal ?
On dira que du temps d’Epicure on n’avait pas le choix, et que les analgésiques ont mis plus de 20 siècles à apparaitre.
C’est oublier que la douleur est d’autant plus douloureuse qu’elle s’accompagne du stress : et c’est justement là-dessus que porte le remède (2) épicurien : ne t’angoisse pas de la souffrance, même si elle est intense, elle ne durera pas (sous-entendu : dans le pire des cas, elle te fera mourir avant peu).
Le stress, nul besoin d’anxiolytique pour s’en défaire : un peu de philosophie (épicurienne) suffit.
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(1) Voici le texte complet : « D'abord, ne pas interpréter, ni justifier. La douleur est un fait, et ne veut rien dire. Elle n'a pas de sens, pas de valeur, pas d'excuses. Même atroce, elle est insignifiante (et cela est le plus atroce peut-être, qu'elle ne signifie rien) ; même légère, elle est insensée. Quoi de plus bête qu'une rage de dents ? Le réel se reconnaît là, qui se contente d'exister. "Pourquoi ?", demande-t-on devant celui qui souffre. Mais il n'y a pas de réponse (on souffre toujours pour rien), ni même, en vérité, de question. Le corps hurle, mais n'interroge pas. On parle pourtant des leçons de la douleur, et chacun, qui l'a vécue, y reconnaît quelque chose de son expérience. Mais ces leçons sont toutes négatives, ou critiques : la douleur n'apprend rien, qu'en annulant ce qu'on croyait savoir. Sa leçon est une anti-leçon : tout discours doit cesser, devant elle, qui parait ridicule, insupportable ou lâche. Non pas tout discours, pourtant. Et cela fait un sacré tri. Combien de livres supportent la proximité immédiate de l'horreur ? » André Comte-Sponville
(2) La doctrine d'Épicure peut être résumée par ce que les épicuriens ont appelé le tetrapharmakon (quadruple-remède), formulé ainsi :
1 - on ne doit pas craindre les dieux ;
2 - on ne doit pas craindre la mort ;
3 - le bien est facile à atteindre ;
4 - on peut supprimer la douleur.

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