Les Canuts, chant de la révolte des ouvriers soyeux lyonnais (1830)
- Ci-contre : une centaine de salariés de Lejaby, le 17 janvier à Lyon dans la Cour des Voraces, lieu emblématique de la révolte des canuts (1).
Les combats des ouvriers pour leur emploi n’a pas d’histoire : ou plutôt, c’est toujours la même histoire qui se répète.
Je sais bien que ça fait vieux ronchon, mais qu’importe ? Ce combat, c’est toujours celui de l’être humain qui refuse d’être réduit à l’outil :
1 – La révolte des Canuts lyonnais.
Le Patron : vous êtes dépassé par les métiers à tisser mécaniques (2). Je dois vous licencier (variante : baisser votre salaire).
Les Canuts : Nous n’avons rien à perdre : nous irons jeter dans le Rhône vos métiers mécaniques. (Variante : Nous tisserons le linceul du vieux monde, / Car on entend déjà / la révolte qui gronde.)
2 – La grève des Lejaby (du nom de l’entreprise fabriquant de lingerie féminine), licenciées pour cause de délocalisation en Tunisie de leur usine à Yssingeaux (Haute-Loire) – la dernière opérant en France.
Le Patron de Lejaby : vous ne pouvez produire au tarif tunisien. Je ferme l’usine et je la reconstruis à Sfax.
Même histoire ? Même cause, mêmes effets ?
Oui, c’est bien sûr toujours le choc de la logique économique contre l’humain.
Les canuts se battaient pour leur vie ; et ils refusaient d’être concurrencés par des machines.
Les Lejaby se battent bien sûr pour conserver leur gagne-pain ; et, comme les canuts, elles refusent une concurrence : celle des salaires.
Mais il ne faudrait pas croire qu’à un siècle et demi de distance rien n’a changé : les ouvriers d’aujourd’hui ne rencontrent plus devant eux ni fusils ni mitraille.
--> Retour sur l’actualité récente : les ouvrières de Lejaby se sont invitées au siège social de Lejaby, à Rillieux-la-Pape. Et là, elles ont découvert un incroyable stock de lingerie invendue. Tout le produit de leur travail, qu’elles avaient fait du mieux qu’elles pouvaient, soumises à la tyrannie du chronomètre pour être compétitives, voilà ce que la loi de la concurrence en avait fait : un tas de chiffons invendables.
Le Patron de Lejaby faisait les plans de redéploiement de l’entreprise hors de France, en laissant croire aux ouvrières qu’elles arrivaient – péniblement, mais quand même – à atteindre les objectifs qu’il leur avait fixés.
Les Lejaby ne sont plus des femmes : elles ne sont rien d’autre qu’un outil de production. Quand l’outil produit des chiffons au lieu de produire de la belle lingerie, il n’y a plus qu’à le jeter.
Et voilà sans doute la raison pour laquelle ces ouvrières paraissent sur la photo munies d’un masque blanc. Ce n’est sûrement pas pour ne pas être reconnues, mais plutôt parce qu’un être humain, réduit à n’être qu’un outil périmé, n’a plus d’identité.
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(1) Cour des Voraces : Il s’agit d’une cour d'immeuble lyonnais qui a servi de refuge aux ouvriers canuts lors de leurs révoltes (1848). Cette cour devint célèbre, par une bataille qui opposa les canuts aux soldats de l'armée régulière. (Lire la suite ici)
(2) Je reprends la thèse de la révolte issue du développement des métiers mécaniques jacquard. A vérifier
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