Qui ne mange pas n’a pas besoin de travailler.
H-D Thoreau - Walden p. 256
Petit rappel : ces propos sont ceux de l’ascète de Thoreau (2), pour qui le gros mangeur était un homme réduit à l’état de larve.Mais en généralisant un peu, on arrive à des idées subversives, telles que : évitons de passer notre vie à travailler. Et donc : pour faire des économies de travail, entrainons-nous à moins consommer.
Idées subversives aussi parce qu’on trouve aujourd’hui que, ce qui paraît moral, ce n’est pas de cesser de consommer, mais plutôt de consommer le plus possible, à condition de ne consommer que français.
L’idée de Thoreau est donc qu’il faudrait prendre à l’envers le processus qui nous est habituel : au lieu de se demander comment gagner plus, et à partir de là, comment dépenser tout ce bel argent, demandons-nous : de quoi avons-nous vraiment besoin ?
Puis une fois réalisé cet inventaire, demandons-nous : combien de temps faut-il travailler pour satisfaire nos besoins utiles – et seulement eux.
Quand on lit Walden, le livre où Thoreau raconte son expérience de vie dans une cabane au fond des bois, on est surpris d’y trouver des pages détachées de son livre de comptes (3). Quel intérêt ?
C’est que, justement, Thoreau veut nous montrer qu’on peut vivre – et bien vivre – avec très peu d’argent, et que ce peu d’argent, on peut le gagner en peu de temps.
C’est donc cela la morale de Thoreau : plutôt que de gagner de l’argent, gagnons du temps.
Pourquoi ne suivons-nous pas ce conseil ? Pour faire ce que saint Paul nous prescrit, mériter de vivre en accédant à l’autonomie ? J’en doute – et de toute façon l’ermite est auto-suffisant.
Ce que je crois, c’est que pour beaucoup de gens, le temps sans travail, qui est un temps libre, et que le temps libre est d’abord un temps vide.
- Or le temps vide est notre ennemi, parce qu’on ne sait quoi en faire, sinon penser à notre misère comme le disait Pascal. Simplement notre misère s’appelle maintenant : anxiété, angoisse, stress.
Travailler plus, c’est gagner plus ; mais c’est aussi et surtout penser moins – pour éviter l’angoisse existentielle.
Mais ça, l’ermite de Thoreau, il n’en avait pas besoin.
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(1) Déjà cité le 8.5.07
(2) Thoreau – Walden ou la vie dans les bois, à lire en ligne ici.
(3) Par exemple dans le chapitre 7, avec le coût de la culture des haricots.
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