Tuesday, January 03, 2012

Citation du 4 janvier 2012

La violence animale naît de l'altération des lois de la nature, alors que la violence humaine naît de leur transgression dans la parole et la civilité.
Boris Cyrulnik – Les Nourritures affectives
Je suis, sans doute comme vous, un peu interloqué par cette conception de la violence animale qui en fait un phénomène transgressif – en tout cas anormal. Sans doute Cyrulnik ne considère-t-il pas la mise à mort de la proie par le prédateur comme une violence tant que la faim – ou la survie de la nichée – en est la cause. (1)
En revanche, je suis d’avantage en accord avec lui lorsqu’il fait de la parole et de la civilité une voie d’accès à la violence. Non pas que la batte de baseball ou le coup-de-poing américain ne soient pas des instruments très évidents de la violence humaine. Mais cette violence là, on peut s’en protéger en évitant les mauvais quartiers ou les rues sombres. En revanche, qui donc nous protégera des langues de vipère et des propos fielleux ?
Mais le comble de la perversité dans ce genre de violence est bien dans un détournement de la civilité dont nous parle Cyrulnik. Car la civilité est faite pour attirer d’abord, pour sécuriser en suite les relations humaines, bref pour rapprocher les hommes. Et c’est là, dans cette proximité qu’elle va agir et porter le coup qui blesse.
On connaît l’art insurpassable des chinois pour infliger les pires tortures avec toutes les amabilités qu’on peut imaginer. Il ne faudrait pourtant pas croire qu’on n’en participe pas nous-mêmes. J’ai entendu un de nos vieux politiciens qui avait pris part à la résistance et avait été torturé par la milice de Vichy, raconter qu’au moment de lui infliger le supplice de la baignoire, son tortionnaire lui avait indiqué une chaise sur la quelle il pouvait déposer ses vêtements – sans doute pour éviter qu’ils ne se mouillent ou ne se froissent.
Au sein de la violence, la civilité est elle-même une violence.
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(1) Comme exemple de la violence animale selon les principes de Cyrulnik, je pense au massacre des brebis perpétré par les loups dans les pacages de nos montagnes. Au lieu de tuer une brebis et de la dévorer, le loup (il peut être seul) tue toutes les brebis et les laisse sur le terrain sans les manger. Il ne tue pas par faim, et on dirait que le nombre des proies détraque son instinct de chasseur. Du moins, c’est comme ça que les spécialistes du loup analysent la chose.

2 comments:

Anonymous said...

Hummm...

Les moutons excitent les loups, les volailles excitent le renard... et les citoyens excitent le président; on se fait tous croquer sans rien dire...avec ou sans paroles de civilité...

F' (OFICT)

Jean-Pierre Hamel said...

Les moutons excitent les loups, les volailles excitent le renard...
- On n'y pense pas assez, et c'est en relisant le loup et l'agneau qu'on s'en persuade : ce sont les faibles proies et les (futures) victimes qui excitent les violences de leurs prédateur et de leurs tortionnaires.
Ce qui ne garantit pas la civilité, c'est vrai, mais nous assure de l'innocence des tyrans.