Le temps nous
avait dérobé à nous mêmes (…) La longue fourmilière des minutes emportant
chacune un grain chemine silencieusement, et un beau soir le grenier est vide.
Jean Jaurès – Discours à la jeunesse (31
juillet 1903 au lycée d’Albi)
Les lecteurs
de ce Blog le savent : j’aime revenir périodiquement sur le fait que
constitue une citation, pour en peser les avantages en terme de
« sens-ajouté » (1).
Au sens
courant, une citation peut être un petit morceau de pensée, dont la formulation
fait si intimement corps avec le sens qu’il serait inapproprié de le dire
autrement.
Mais une
citation peut aussi être un texte très court, mais qui est pourtant complet tel
quel et qu’on peut séparer de son contexte sans qu’il perde sa faculté de
faire sens.
Tel est le
cas ici. L’évocation du temps qui passe, peu à peu, silencieusement et sans
même qu’on y prenne garde est suffisamment connue pour qu’on n’ait pas besoin
de la réexpliquer. L’écoulement de ces petits grains de temps, qu’on les appelle
des instants, des moments, des présents, ou comme on voudra, est une expérience
intime partagée par tous.
- Alors, voilà ce qui est neuf : Jaurès, au moment d’évoquer cette expérience, au lieu de parler de l’écoulement de ce filet d’eau qu’on ne peut retenir dans ses mains, au lieu de parler du sablier qui se vide inexorablement, fait d’un coup intervenir la fourmilière, avec ses insectes minuscules, mais qui parviennent malgré leur petitesse à produire des ouvrages formidables : petit + petit = grand. On connaissait ce phénomène avec le sablier, mais il était lié à un mécanisme purement physique : la pesanteur. Voilà qu’ici nous avons affaire à des petits voleurs qui vident notre grenier sans qu’on s’en aperçoive ; pour les petits paysans auxquels s’adressait ce discours (2) l’image devait être forte. L’idée est également forte, car ce sont les minutes qui composent le temps qui emportent les petits grains de vie qui remplissent notre grenier.
- Alors, voilà ce qui est neuf : Jaurès, au moment d’évoquer cette expérience, au lieu de parler de l’écoulement de ce filet d’eau qu’on ne peut retenir dans ses mains, au lieu de parler du sablier qui se vide inexorablement, fait d’un coup intervenir la fourmilière, avec ses insectes minuscules, mais qui parviennent malgré leur petitesse à produire des ouvrages formidables : petit + petit = grand. On connaissait ce phénomène avec le sablier, mais il était lié à un mécanisme purement physique : la pesanteur. Voilà qu’ici nous avons affaire à des petits voleurs qui vident notre grenier sans qu’on s’en aperçoive ; pour les petits paysans auxquels s’adressait ce discours (2) l’image devait être forte. L’idée est également forte, car ce sont les minutes qui composent le temps qui emportent les petits grains de vie qui remplissent notre grenier.
Ou plutôt qui
le remplissaient.
----------------------------------------
(1) Je tente
ce néologisme, bâti sur le modèle de la « valeur-ajoutée ».
(2) Je fais
comme si les élèves du lycée d’Albi de 1903 étaient d’origine paysanne.
1 comment:
quelle belles images à trouver ce jaurés, et la nourriture de votre valeur ajoutée
merci cher Philosophe.
peut présente sur mon ordi mais mes pensées viennent à vous quand je le peux à bientôt
Post a Comment