Messieurs, il se coupe trop de têtes par an en France.
Puisque vous êtes en train de faire des économies, faites-en là-dessus. Puisque
vous êtes en verve de suppressions, supprimez le bourreau. Avec la solde de vos
quatre-vingts bourreaux, vous payerez six cents maîtres d’école. Songez au gros
du peuple. Des écoles pour les enfants, des ateliers pour les hommes.
Savez-vous que la France est un des pays de l’Europe où il y a le moins de
natifs qui sachent lire ! Quoi ! La Suisse sait lire, la Belgique sait lire, le
Danemark sait lire, la Grèce sait lire, l’Irlande sait lire, et la France ne
sait pas lire ? C’est une honte.
Victor
Hugo – Claude Gueux (1834)
Actualité
de Victor Hugo :
- En 1834 déjà,
il souligne que les Français sont les moins aptes à la lecture de tous les
enfants européens. Nous en sommes encore là en 2015
- Les
députés français étaient déjà (1834) entrain de faire économies sur le budget
de l’Etat, en particulier dans l’éducation.
- On
réglait déjà des problèmes de budget : combien un bourreau vaut-il de
maitres d’école ?
(Solution : si 80 bourreaux = 600 maitre d’école ;
alors : 1 bourreau = 7,5 maitres d’école
Autant dire qu’il est certainement plus difficile de faire le
bourreau que de faire le maitre l’école, et que c’est pour cela qu’il faut le
payer plus cher.)
Voilà : quels progrès avons-nous fait en 180 ans ?
- En
lecture ? Oui, nous avons créé l’école publique et obligatoire. Et
alors ? Nos enfants savent-ils lire ? Hélas ! Nous sommes
obligés de le dire : Victor Hugo était bien naïf : il croyait qu’il
suffisait d’apprendre pour savoir.
- Les
économies sur le budget de l’Etat ? Beaucoup pensent que le budget
de l’Education nationale est trop élevé eu égard aux résultats obtenus. Nous
payons très cher des professeurs grognons qui ne veulent enseigner qu’aux
meilleurs élèves – c’est à dire ceux qui apprendraient aussi bien sans eux.
- Nous
n’avons plus de bourreaux – la belle affaire ! Les maîtres d’école nous
coûtent à présent si cher, et leurs résultats pour prévenir la délinquance sont
si piètres, qu’on ne croit plus comme Hugo que le progrès de l’instruction
publique résoudrait la question de la criminalité. Il nous faut donc toujours
recruter des bourreaux (1) ? Oui, mais ce n’est pas si facile : par
exemple on manque de main d’œuvre en Arabie saoudite.
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(1) De fait, on se contente de gardiens de prison ; mais à la longue, ça coute plus cher…
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