…la paresse est comme une béatitude de l'âme, qui la console
de toutes ses pertes et qui lui tient lieu de tous les biens.
Gide
– Les Faux-monnayeurs, 1925 (citation complète en Annexe)
Béatitude : Félicité
éternelle que goûte l'homme jouissant de la vision de Dieu – (TLF)
Ainsi donc, la paresse serait la condition pour accéder à la
béatitude, dans la mesure où elle « suspend
soudainement les plus ardentes poursuites et les plus opiniâtres
résolution » (cit. Annexe).
Dites-moi, si la paresse est un vice, qu’est-ce donc que ce
vice qui donne accès à la béatitude ? Comment ce qui nous promet une telle
félicité pourrait-il être considéré comme une faute ?
Si toutefois tel était le cas, il faudrait sans doute en
conclure que l’homme est destiné à souffrir, que jamais il ne doit jouir du
repos, que, comme Caïn, il doit fuir partout le courroux du Père Eternel. La
paresse devrait être considérée non comme un vice, mais plutôt comme la
conséquence d’un vice ; autrement dit si l’homme est coupable, il doit
être châtié par l’obligation du labeur incessant pour gagner son pain quotidien :
il faut alors dénoncer la paresse comme un moyen pour d’échapper à cette
punition. Le procédé n’est pas si surprenant : quand les médecins ont permis
aux femmes d’accoucher sans douleurs, les chrétiens se sont récriés :
« Tu accoucheras dans la
douleur ! » a dit le Père Éternel. Interdiction de se soustraire
à cette malédiction.
Voilà donc la paresse en bonne compagnie : avec elle
sont condamnés, les péridurales, les congés payés, … et le travail du dimanche
qui détourne l’homme de la méditation sur sa condition pécheresse.
Beaucoup de philosophes du 18ème siècle (dont
Rousseau) se sont étonnés des récits de voyages en Afrique et dans les Antilles.
On décrivait ces hommes affectés d’une fainéantise extrême : comment se
peut-il que ces indigènes, considérés alors comme proches d’Adam au sortir des
mains du Seigneur, peuvent-ils supporter de passer la journée dans leur hamac
sans aucune gène ? Cette même question revient aujourd’hui : comment
supporter de ne rien faire ? Seulement, au lieu de s’entrainer patiemment
pour y arriver, on trouve des coaches en tout genre pour apprendre toutes
sortes de sports à seule fin d’oublier qu’on pourrait rester à ne rien faire.
-------------------------------------
Annexe : « Le repos de la paresse est un charme
secret de l'âme qui suspend soudainement les plus ardentes poursuites et les
plus opiniâtres résolutions. Pour donner enfin la véritable idée de cette
passion, il faut dire que la paresse est comme une béatitude de l'âme, qui la
console de toutes ses pertes et qui lui tient lieu de tous les biens. » - Gide
No comments:
Post a Comment