Monday, June 22, 2015

Citation du 23 juin 2015

…la paresse est comme une béatitude de l'âme, qui la console de toutes ses pertes et qui lui tient lieu de tous les biens.
Gide – Les Faux-monnayeurs, 1925 (citation complète en Annexe)
Béatitude : Félicité éternelle que goûte l'homme jouissant de la vision de Dieu  – (TLF)

Ainsi donc, la paresse serait la condition pour accéder à la béatitude, dans la mesure où elle « suspend soudainement les plus ardentes poursuites et les plus opiniâtres résolution » (cit. Annexe).
Dites-moi, si la paresse est un vice, qu’est-ce donc que ce vice qui donne accès à la béatitude ? Comment ce qui nous promet une telle félicité pourrait-il être considéré comme une faute ?
Si toutefois tel était le cas, il faudrait sans doute en conclure que l’homme est destiné à souffrir, que jamais il ne doit jouir du repos, que, comme Caïn, il doit fuir partout le courroux du Père Eternel. La paresse devrait être considérée non comme un vice, mais plutôt comme la conséquence d’un vice ; autrement dit si l’homme est coupable, il doit être châtié par l’obligation du labeur incessant pour gagner son pain quotidien : il faut alors dénoncer la paresse comme un moyen pour d’échapper à cette punition. Le procédé n’est pas si surprenant : quand les médecins ont permis aux femmes d’accoucher sans douleurs, les chrétiens se sont récriés : « Tu accoucheras dans la douleur ! » a dit le Père Éternel. Interdiction de se soustraire à cette malédiction.
Voilà donc la paresse en bonne compagnie : avec elle sont condamnés, les péridurales, les congés payés, … et le travail du dimanche qui détourne l’homme de la méditation sur sa condition pécheresse.

Beaucoup de philosophes du 18ème siècle (dont Rousseau) se sont étonnés des récits de voyages en Afrique et dans les Antilles. On décrivait ces hommes affectés d’une fainéantise extrême : comment se peut-il que ces indigènes, considérés alors comme proches d’Adam au sortir des mains du Seigneur, peuvent-ils supporter de passer la journée dans leur hamac sans aucune gène ? Cette même question revient aujourd’hui : comment supporter de ne rien faire ? Seulement, au lieu de s’entrainer patiemment pour y arriver, on trouve des coaches en tout genre pour apprendre toutes sortes de sports à seule fin d’oublier qu’on pourrait rester à ne rien faire.
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Annexe : « Le repos de la paresse est un charme secret de l'âme qui suspend soudainement les plus ardentes poursuites et les plus opiniâtres résolutions. Pour donner enfin la véritable idée de cette passion, il faut dire que la paresse est comme une béatitude de l'âme, qui la console de toutes ses pertes et qui lui tient lieu de tous les biens. » - Gide

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