La
philosophie se sépara de la science, lorsqu’elle posa la question : quelle est
la connaissance du monde et de la vie avec laquelle l’homme vit le plus heureux
? Cela se fit dans les écoles socratiques : par la considération du bonheur, on
lia les veines de la cherche scientifique — et on le fait aujourd’hui encore.
Nietzsche – Humain, trop humain
Ça, c’est
typique de Nietzsche :
1) Un glissement de sens indifférent
à la rigueur théorique des textes : car la question à la quelle Socrate
prétendit soumettre la science était : « Est-ce que ce savoir me
permettra d’être meilleur ? Conduit-il à la vertu ? » et non pas comme on le lit ici : « La
science peut-elle mener au bonheur ? »
2) Et puis ce retournement
inattendu, par le quel le jugement d’abord supposé positif se métamorphose en
critique. La science ne doit pas être anémiée par ce plat souci du bonheur :
la liqueur de la vérité peut être forte et amère, elle n’en est pas moins la
meilleure. C’est la lucidité qu’il faut attendre de la science, et non pas le
bonheur ! D’ailleurs, si Zarathoustra vit au sommet de la montagne, ce
n’est pas seulement pour voir le soleil se lever, c’est aussi pour voir plus
loin !
o-o-o
Ce jugement
de Nietzsche est-il encore pertinent aujourd’hui ? Qu’est-ce qui stimule
la recherche scientifique et l’étude de la science ? A quoi
subordonne-t-on cette étude ?
On le sait
aujourd’hui : le public et ses dirigeants politiques ne se soucient guère
de vérité – et encore moins de vertu. Le bonheur seul compte et si Nietzsche considère
que la science est émasculée par cette obligation d’y conduire, c’est parce que,
de son temps, on ne la confondait pas encore avec la technique.
Maintenant, voilà
qui est fait : la science n’existe que par ses applications pratiques, et personne
n’entend plus ce que signifie « recherche scientifique » (sauf si on
lui accole l’adjectif « fondamentale » - et encore !). Mais
cette confusion n’indispose personne : pourquoi irait-on subventionner de
coûteuses expériences si ce n’est pour le bidule technico-machin qui peut en résulter ?
Et qu’on ne vienne pas me dire que le petit robot qui se réveille aujourd’hui
sur la comète Tchouri est inutile, car ce n’est pas tout à fait vrai : il
fait rêver le public, donc il produit une plus value en terme de publicité
médiatique.
La science
mise en équation c’est : Science=technique=satisfaction de nos désirs=bonheur (1).
Et quand la
découverte va plus vite que les désirs ? On oriente alors la recherche
vers la découverte de nouveaux désirs. Un exemple : on dit que la montre
Appel Watch est un superbe objet numérique, mais qu’elle ne sert à rien
(entendez : rien que je ne pourrais faire aussi bien avec le Smartphone
qui est au fond de ma poche). Sauf qu’elle donne des sueurs froides aux
surveillants des épreuves du bac : il paraît qu’elle est imparable pour
pomper aux examens.
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(1) Les grincheux ajouteront =profit.
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