Les choses gratuites sont celles qui coûtent le plus. Comment cela ? Elles coûtent l'effort de comprendre qu'elles sont gratuites.
Cesare Pavese
Avez-vous remarqué comme la gratuité éveille la méfiance ? A quel point un courrier publicitaire tonitruant une offre gratuite apparaît comme un piège à c. ? Bien sûr, c’est trop évident pour ne pas être risible. Mais demandez à définir le don, et vous verrez comme il est difficile de ne pas le comprendre comme un échange simplement différé : donner pour recevoir. Quelqu’un comme La Roche Foucauld en a même fait l’essentiel de sa « morale » : l’altruisme consiste à donner … pour recevoir une récompense en terme d’amour propre ; même le plus pauvre a quelque chose à donner : la reconnaissance sans la quelle rien ne se ferait. Il n’y a donc pas de don « gratuit », et donc il n’y a pas de don du tout.
Voire. Ce qui est gratuit c’est soit ce qui n’a pas de motif (voir l’acte gratuit de Lafcadio le héros des Caves du Vatican de Gide), soit ce qui n’a pas de conséquence. Dans ce sens évidemment, un acte gratuit est une pure absurdité, que je me dispenserai de commenter.
L’acte peut être aussi « gratuit » en tant qu’il n’implique pas l’échange, qu’il soit économique ou humain. Là c’est plus simple (donner ce n’est pas troquer ni vendre), et plus compliqué à la fois. Car pourquoi le bonheur de donner serait-il en contradiction avec la pure générosité ? Le bonheur de donner est-il une récompense qui rendrait impure l’acte généreux ? C’est là semble-t-il que le rigorisme de La Roche Foucauld ressemble à de la misanthropie.
Demandons à Kant, lui qui en terme de rigorisme n’a de leçons à recevoir de personne. Il dirait qu’on peut éprouver du bonheur à donner, mais qu’on doit donner par devoir et non pour être heureux. Je ne dois donner que par égard pour l’humanité souffrante dont le respect motive seul ma générosité. Aucune autre condition ne doit valoir, et surtout pas la personnalité de celui qui reçoit : il suffit que ce soit un homme et qu’il souffre. Ma générosité ne doit donc pas attendre de l’autre un geste de compensation, mais seulement qu’il soit digne de l’humanité qui est en lui.
La charité chrétienne doit ressembler à cela je suppose.
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