Tuesday, May 30, 2006

Citation du 31 mai 2006

Une femme sans homme c’est comme un poisson sans vélo. (1)

Slogan féministe (tendance MLF) début des années 70

Cet habile slogan (habile par ce qu’hermétique juste ce qu’il faut pour frapper l’imagination) est empreint du parfum lutte des classes et de guerre des sexes. Il est signé MLF et je me rappelle l’avoir à l’époque épinglé comme exemple de l’aveuglement de ce mouvement.

Si je me laisse aller à quelques confidences (et après tout on est sur un Blog, c’est fait pour ça), je dirai que j’ai été dès les années 60 un homme féministe (pas le seul, mais un des rares) et à ce titre j’ai été outré par de tels slogans. La mouvance MLF était alors en pleine agitation de type « apartheid voulu par la minorité opprimée ».

On partait de l’idée que, de même que le prolétaire n’a rien à attendre de l’exploiteur bourgeois, la femme ne peut rien attendre de l’homme. « L’émancipation de la femme sera l’œuvre des femmes », paraphrase connue ; mais elle sera l’œuvre des femmes contre les hommes, quelques qu’ils soient. Parce que l’homme ne peut être que malfaisant et dominateur, que des millénaires d’oppression ont inscrit jusque dans ses gènes ce besoin de domestiquer la femme, jusque dans la politique (les phallocrates : ça vous dit encore quelque chose ?). Ce faisant, elles reprenaient la métaphysique de l'essence, pourtant abhorrée des marxistes : l’individu n’y est plus le produit de sa fonction sociale, mais de sa fonction biologique : le sexe. Et là, rien à faire ; Marx fils d’avocat et issu d’une famille de rabbins peut se ranger aux cotés du prolétariat contre le Capital et contre la Religion. Cesser d’être un mâle : impossible.

Vous le direz que c’est là une affaire classée, que le féminisme aujourd’hui est sorti de cette « maladie infantile »… D’accord, je vous crois ; mais alors pourquoi certaines d’entre elles sont-elle sorties de leur retraite pour tonner contre la loi sur la parité ?

Quoi ??? Vous aussi ?


(1) Traduction : un homme n’est pas plus indispensable à une femme qu’un vélo ne l’est à un poisson.

2 comments:

Anonymous said...

Pour ma part, la loi sur la parité me laisse partagée: je suis E. Badinter (qui s'y opposait) sur le fait que le problème réside ailleurs (dans la double journée, notamment, qui laisse peu de temps à l'engagement politique) qu'il faut y remédier par d'autres moyens et que cette loi est une mesure de discrimination positive contraire au principe républicain. Mais je suis assez sensible également à l'argument de S. Agacinski selon lequel, sans loi, le progrès prendra des décénies et peut-être plus encore. Bien des exemples corroborent cette idée. Et cependant... compter sur la loi comme un moyen efficace et rapide pour "convaincre" (de gré ou de force) le peuple du bien fondé d'une idée, est une décision philosophiquement bien discutable. Que bien des exemples illustrent aussi. Mais le peuple est-il si bien éclairé? Bon, je glisse à nouveau sur la vertigineuse pente du doute.
Cela dit, si l'émancipation des femmes ne doit pas signifier une déclaration de guerre aux hommes, ni leur exclusion des mouvements féministes, on peut se poser la question de la valeur de la liberté conquise, contre celle de la liberté offerte. Au final, l'effet concret est peut-être le même. Mais la liberté qu'on nous offre n'est-elle pas tributaire du bon vouloir de celui qui nous délivre? et, par conséquent, une liberté tronquée? cela me fait penser, par association d'idée, au film "Manderlay" de Lars Von Trier, (c'est la suite de "Dogville") que je vous recommande (sur l'impossible affranchissement de qui a intériorisé sa condition).
PS: la traduction de la citation était-elle bien nécessaire?

Jean-Pierre Hamel said...

"la liberté qu'on nous offre n'est-elle pas tributaire du bon vouloir de celui qui nous délivre?"
--> Ce serait vrai de n'importe quoi, d'une chemise bleue offerte quant on en voulait une rouge ; mais justement pas de la liberté dont on ne peut définir le contenu. Ou alors il s'agirait d'une liberté fragmentée au point qu'on puisse la réduire çà une seule option - ce qui serait absurde.

"sur l'impossible affranchissement de qui a intériorisé sa condition" Ca, c'est la dimension historique : je veux dire, qu'effectivement il n'y a aucun espoir d'émancipation pour qui a appris à se soumettre et à admirer son maitre. Mais ce sont les nouvelles générations qui bougeront : les filles rejetteront les pères (ou les grands frères !)

"PS: la traduction de la citation était-elle bien nécessaire?"
--> Elle n'était pas nécessaire, mais c'est une déformation professionnelle. Je suis habitué à ce que le plus évident _pour moi_ soit opaque pour d'autres.