Le passé, voilà l'ennemi; c'est ce qui me fait m'écrier dans toute la sincérité de mon âme: on mettrait le feu aux bibliothèques et aux musées qu'il y aurait pour l'humanité, non pas perte, mais profit et gloire.
Jules Vallès - Lettre ouverte à M. Covielle, le Nain jaune, 24 février 1867
Faut-il brûler les livres ? Jules Vallès répond oui, au nom du progrès.
Scandale ? Bien sûr quand on voit avec quels compagnons il se retrouve en se rangeant parmi les destructeurs de bibliothèques et de musées.
Mais pour qui n’a pas peur des mots, l’idée est peut-être moins révoltante qu’il n’y parait. Il ne se pose pas en « Big Brother », qui bave de haine devant les intellectuels et les artistes. Il se pose en défenseur de l’innovation et de l’invention, contre les oukases des docteurs au bonnet carré, ou des prêtres qui prospèrent dans l’obscurité et la peur.
Le passé inhibe, il encourage à faire ce qui ne marche plus, il décourage de tenter ce qui n’a jamais été fait. Le passé est un carcan stérile, et quand il est historique, c’est encore pire : « produit le plus dangereux… » disait Valéry (voir citation 5 avril 2006).
Que faire du passé ? Si on ne le rejette pas, il faut :
- soit l’inscrire dans une continuité qui, partie de loin, aboutit à nous, avec l’inconvénient de croire qu’à chaque étape, à chaque œuvre nouvelle (référence aux bibliothèques et aux musées), c’est nous mêmes qui étions le but visé. Le passé sert à notre auto-glorification.
- soit le considérer comme une première présentation de ce qui existe toujours aujourd’hui, de ce qui a donc toujours existé. Et alors le passé n’est pas dépassé ; il n’est même pas passé (1).
- soit le considérer comme ayant un intérêt en soi, mais on risque alors de devenir antiquaire.
Pourquoi pas. Mais je dirais tout de même que Jules Vallès n’écrirait plus aujourd’hui cette lettre : les bibliothèques sont vides (2), quant aux musées, s’ils sont remplis, c’est avec de gens qui cherchent des idées pour décorer le mur au dessus du buffet de la salle à manger
(1) Beau sujet pour une dissert de philo, vous ne trouvez pas ?
(2) C’est faux ? Sans doute parce qu’elles sont devenues « médiathèques » où on emprunte CD et DVD
1 comment:
Le passé n'est pas dépassé. La nature humaine changera-t-elle un jour ?
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