Sunday, March 18, 2007

Citation du 19 mars 2007

La justice humaine, qui ne voit que les actions, n'a qu'un pacte avec les hommes, qui est celui de l'innocence ; la justice divine, qui voit les pensées, en a deux, celui de l'innocence et celui du repentir.

Montesquieu - De l'esprit des lois

Qui donc peut sonder les cœurs et les reins ? En général à cette question on répond : « Dieu », ce qui signifie que personne ne peut prétendre accéder à l’exacte connaissance des pensées et donc des motivations d’un individu qui a commis un crime. On ne peut donc condamner les pensées, mais seulement les actes ; et on ne peut tenir compte, en jugeant les actes, des sentiments, et donc du repentir. On ne peut pas relier la justice à la morale : l’absolution obtenue par le repentir moral ne peut donc exister. A la place on trouve la punition du criminel, qui doit porter sur l’acte, indépendamment des intentions. On ne peut pas faire plus.

Pourtant, on peut discuter : les intentions font bel et bien partie du droit pénal, et on ne condamnera pas de la même façon l’homicide crapuleux et l’euthanasie compassionnelle… Reste que c’est de l’à-peu-près, de l’estimation faite sur des apparences, et que la justice se trompe peut-être lorsqu’elle en tient compte, mais elle le fait pour éviter une plus grande injustice (1).

Mais je voudrais souligner quelque chose de plus percutant dans la citation de Montesquieu : si je comprends bien son idée, le repentir restitue l’innocence (cf. l’absolution des péchés), alors que la justice ne peut le faire. Donc, la sanction pénale ne lave pas le criminel, elle ne lui redonne pas sa pureté originelle. Pourtant, aujourd’hui, nous considérons que la punition - la prison p. ex. - permet de payer sa dette à la société, et que le prisonnier libéré est redevenu un citoyen comme un autre.

On comprends sans doute où je veux en venir : les résistances multiples des braves citoyens à admettre qu’un ancien taulard est un homme comme un autre, qu’on peut l’embaucher, le prendre comme locataire, voir sa fille le fréquenter, comme si de rien n’était. Partout ça résiste : quand le pacte d’innocence a été rompu plus rien ne peut le restaurer.

Alors la question à poser c’est : que faut-il faire des criminels ?

(1) « Summum jus, summa injuria » cf. citation du 15 février 2006

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