- Quoi ?
- Rien
Dialogues de la vie quotidienne, T. 2
Voici le dialogue d’un couple quelconque (mari et femme, amis, compagnons de travail) quand il a beaucoup vécu.
C’est peu de chose, et pourtant il en dit déjà beaucoup.
D’abord, on y trouve l’espoir de faire naître ce dialogue et que ce soit l’autre qui le prenne en charge. On sollicite la conversation, et en même temps se défausse de la responsabilité de l’entretenir : voilà l’indice de la difficulté de la tâche, à moins que ce soit la preuve du peu d’intérêt qu’on y porte.
Et du coup, c’est l’échec ; déjà, parce qu'on n'a plus vraiment envie de parler à celui-là : celui qui est en face n’est plus l’interlocuteur désiré, à qui on a envie de raconter sa journée, à moins que tout simplement il n’excite plus l’imagination ni l’intelligence.
Peut-être aussi que c’est l’échec parce qu’on n’a plus rien à se dire : tout ce qu’on aurait à dire, l’autre le sait déjà ; à quoi bon parler si c’est pour s’entendre répondre : « Je sais… ». Le dialogue se nourrit de cette contradiction : il faut avoir quelque chose en commun avec l’autre (un vécu, une connaissance, une action…) et en même temps avoir autre chose à dire, autre chose qu’il ne sache pas déjà.
Certes il n’y a pas que les vieux couples qui ne se parlent pas. Il y aussi les amoureux ; eux ils se parlent « avec les yeux », comme on dit. Mais dans notre citation, on n’est pas dans le silence complice, où la compréhension se passe de mots ; on est dans le vide où la pensée ne peut plus se développer.
Ce silence est éloquent parce qu’il n’a rien à dire.
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