Tout philosophe a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza.
Bergson
– Lettre à Léon Brunschvicg, 22 février 1927
(Voir
citation complète en Annexe)
Le défi du jour : faire que ce billet puisse
intéresser des non-philosophes de formation.
Qu’importe – pour le moment – quel est
le contenu de la philosophie qu’on appelle « spinoziste » : lisez
la citation complète (en Annexe), vous y verrez que ce n’est pas la philosophie
de Spinoza qui est en cause ; c’est à l’exigence du philosophe appelé
Spinoza telle que réalisée dans son œuvre appelée Ethique que renvoie Bergson.
Du coup, il nous invite à faire cette
expérience : prenez un exemplaire de l’Ethique,
lisez une page (par exemple la première page de la Préface de la 3ème
partie – en ligne ici) : sachez que c’est là (selon les termes de Bergson)
que le philosophe trouve son oxygène
– et voyez si vous êtes vous-même philosophe – ou si vous souhaitez l’être.
Qu’est-ce que cet « oxygène »
dont parle Bergson ? Il peut s’agir de l’existence d’un système de
concepts au sein duquel on peut repérer quelques-uns de ceux qui sont mis en
jeu par le texte en question : tel le concept de substance ou d’accident
qui n’ont de sens qu’à condition d’être pris dans un système particulier de
concepts. Mais on l’a dit, ce n’est pas à cela qu’il faut songer. En réalité,
Spinoza est l’homme qui refuse les clefs qu’on lui offre pour ouvrir les portes
permettant de circuler dans la pensée couramment admise : ainsi (dans la
page que vous venez de lire) des griefs usuels contre la nature humaine. Cette
pensée « officielle » ne doit pas nous cacher les scandales qu’elle
couvre (ici : que les hommes se sentent humiliés d’être ce que la nature a
fait d’eux). Il nous faut donc fabriquer les concepts qui vont rendre cohérents
les rapports de la réalité avec le sens qu’ils nous révèlent. Et pour cela,
oui : il nous faut de nouveaux concepts pour penser à nouveaux frais les
affects humains --> d’où cette 3ème partie de l’Ethique, qui suit
cette Préface.
Vous respirez mieux ?
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Annexe – « Nous avons beau nous
être engagés, par nos réflexions personnelles, dans des voies différentes de
celles que Spinoza a suivies, nous n’en redevenons pas moins spinozistes, dans
une certaine mesure, chaque fois que nous relisons L’Éthique, parce que nous
avons l’impression nette que telle est exactement l’altitude où la philosophie
doit se placer, telle est l’atmosphère où réellement le philosophe respire. En
ce sens, on pourrait dire que tout philosophe a deux philosophies : la sienne
et celle de Spinoza. »
Bergson – Lettre à Léon Brunschvicg, 22
février 1927
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