Savoir écouter est un art.
Epictète
Sagesse
d’Epictète III
Allez ! Encore un petit tour chez
Epictète, c’est moi qui vous l’offre.
Que signifie le mot « écouter » si l’on admet que ce soit
un art ?
Au sens moderne du mot, l’art implique
un talent particulier, voire un génie. Difficile à croire.
Admettons plutôt que l’art désigne,
comme à l’époque d’Epictète, un savoir-faire, ou une science appliquée. Bref,
quelque chose qui n’est pas spontané, mais qui peut s’apprendre, qui suppose un
effort et de l’attention.
--> Concernant l'écoute, cela pose 3 questions : 1) que
contient cet art 2) que requiert-il, 3) comment savoir si mon interlocuteur le
possède ? (Autrement dit : est-ce que ça vaut le coup de lui
parler ?)
1) En réalité, cet art est on ne peut
plus facile à définir, même s’il est difficile à appliquer.
Car, celui qui vous écoute ne peut le
faire qu’à condition de pouvoir intervenir dans votre propos, en sorte que sa
pensée puisse se mêler à la vôtre, voire même se l’approprier comme lorsqu’on
dialogue avec quelqu’un. Certes, ce dialogue peut-être virtuel, comme lorsqu’on
lit un livre ; mais il est mieux qu’il soit réel, lorsque, justement, on
écoute celui qui nous parle. On n’écoute qu’en pensant-avec (par exemple) le conférencier, en s’émouvant-avec (quelqu’un comme) le poète,
en apprenant-avec le professeur, etc.
2) On voit bien que l’art d’écouter
suppose un art symétrique du côté de la personne qui parle : c’est l’art
de se faire écouter. Cet art ne
suppose pas un acte d’autorité (comme trop de profs le croient), ni un art de
séduire (qui anesthésie la pensée) ; il suppose un talent pour susciter la
curiosité – mais attention, ce n’est qu’un premier moment. Il faut à partir de
là entamer un dialogue avec celui qui écoute, de sorte qu’il soit mobilisé au
point qu’il s’efforce de devancer si possible votre propos. On remarque parfois
que les guides chargés de faire visiter un monument historique se mettent à
interroger les touristes, un peu comme le ferait un instit : c’est
irritant, mais il faut le comprendre. Si vous n’aviez que 30 minutes pour
accrocher un auditoire et faire qu’il n’oublie pas tout ce que vous lui avez
expliqué dans la minute qui suit : que feriez-vous ?
3) Malheureusement bien des gens font
seulement semblant de vous écouter : moi qui ai été de longues années
amené à parler devant des lycéens qui – pour certains – n’avaient qu’un
espoir : entendre sonner la fin de la classe, je peux vous dire qu’il y a
bien des stratégies pour faire croire qu’on écoute alors qu’on songe à bien d’autres
choses.
Pour cela, l’un des moyen le plus simple,
c’est de fournir des preuves qu’entre celui qui parle et celui qui écoute le canal et ouvert (1). Il y a des gens qui
branlent du chef en signe d’approbation dès que votre regard croise le leur. Au
téléphone, ce sont ceux qui ponctuent vos paroles de borborygmes :
hump-hump-humpf…
On peut aussi faire semblant de prendre
des notes, ou au contraire de lever pensivement les yeux au plafond.
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(1) Canal au sens du contact selon Jakobson : " le message requiert un contact, un canal physique et une
connexion psychologique entre le destinateur et le destinataire, contact
qui leur permet d'établir et de maintenir la communication." Voir ici.
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