Et
à quoi bon exécuter des projets, puisque le projet est en lui-même une
jouissance suffisante ?
Charles Baudelaire – Le Spleen de Paris
Procrastinateur,
mon ami, cette pensée est pour toi.
-
Tu dois écrire une lettre importante pour ton avenir – une lettre de
motivation, un C.V. ou quoi que ce soit du même genre. Mais tu es trop
paresseux pour t’y mettre ; ou peut-être trop lâche pour l’envoyer après
l’avoir écrite ? Ecoute donc Baudelaire : qu’est-ce qui va te faire
le plus plaisir ? De t’imaginer entrain de l’écrire, ou bien de le faire
réellement ?
Alors
bien sûr, comment éprouver du plaisir à simplement imaginer ce qu’on doit
faire ? Si on ne le fait pas, ça ne va pas apaiser l’angoisse du
lendemain. Oui, demain, au réveil tu vas bien sûr te dire en ouvrant
l’œil : et Pôle-Emploi ? Si je n’y vais pas : qui va payer le
loyer ?
Les
projets dont parle Baudelaire ne peuvent donc pas être simplement ceux qui
visent la satisfaction des besoins naturels ; en fait, il y a toujours un
moment difficile pour le procrastinateur : c’est l’épreuve de la réalité.
Comment la contourner ? À quel moment pourrait-on dire que le plaisir d’imaginer la satisfaction est aussi
intense que la satisfaction réelle ?
Qu’y
a-t-il donc de si jouissif dans le projet ? On peut vouloir être encore
plus fort que Diogène, celui qui, se masturbant sur l’Acropole en plein midi, disait aux
passants : Ah ! si seulement on
pouvait calmer sa faim aussi facilement !
-
Oui, plus fort que lui, on pourrait s’exclamer : sans les mains ! et jouir dans notre tête de nos fantasmes –
ceux qui peuvent se satisfaire sur place, sans faire le détour par la réalité.
Oui, on peut le dire… et puis mourir de faim quand même.
Le
projet imaginé par Baudelaire est celui d’un poète, qui met en jeu
l’imagination et le rêve. Il s’agit de jouir d’être l’homme qui a imaginé ce
qu’il allait faire, qui s’est même rêvé le faisant… et qui est allé se
recoucher.
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