« Il y a deux tragédies dans la vie. L'une est de ne pas obtenir ce que l'on désire ardemment.
L'autre est de l'obtenir. »
George Bernard Shaw
Première tragédie : le désir inassouvi. Pas de problème, c’est bien tragique.
Deuxième tragédie : le désir assouvi. Là c’est moins évident. Expliquons :
- d’abord Bernard Shaw ne dit pas « assouvi » ; il dit « obtenir ce que l’on désire ». Ce n’est pas du tout la même chose, car entre ce que nous désirons et ce qui nous satisfait pleinement il y a parfois une marge importante. Donc le tragique, c’est de comprendre que toute la peine qu’on s’est donnée pour obtenir ce qu’on désirait est peine perdue parce qu’on est déçu du résultat.
- Ensuite, à supposer que notre désir soit assouvi, c’est peut-être au prix d’une tragique conséquence. Nous tremblons qu’on devine nos fantasmes tant ils sont immoraux et asociaux. Mais s’ils devaient être réalisés, quelle catastrophe ! La civilisation s’est réalisée dit Freud le jour où le Droit a contraint les individus à renoncer à leurs plaisirs : preuve de l’impossibilité de les laisser s’exprimer.
Troisième tragédie : c’est qu’il n’y a pas d’autres possibilités. Nous sommes confrontés à cette alternative ou bien la première tragédie, ou bien la deuxième. Point final. Donc la vie est tragique.
Et alors, c’est tout ? Pas de message du philosophe ? Pas de recette pour sortir de ce dilemme ?
En cette période de troubles au quartier latin, des images, réminiscences de mai 68, me reviennent. Elles disaient : « Jouissez sans entraves » Facile. Mais comment faire, puisque le désir ne se satisfait pas d’être satisfait. Les petits étudiants de 68 ne se laissaient pas troubler : sur le mur de la librairie Larousse, en face de la Sorbonne, sous le dessin du pissenlit-Larousse qui s’égrène, ils avaient écrit : « Je sperme à tous vents… »(1).
Trop facile.
(1) Pour mémoire, le slogan de Larousse était à l’époque : « Je sème à tous vents. »
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