"Ô toi qui entres ici abandonne tout espoir !"
Dante - La divine comédie (L’Enfer)
C'est cette phrase, gravée sur la porte de l’Enfer, qui accueille les damnés; elle ouvre aussi l’œuvre de Dante. C’est un peu plus honnête que le « Arbeit macht frei » du portail d’Auschwitz…
L’enfer, et après ? Après rien. Ou plutôt si : après l’enfer, l’enfer. Il faut s’appeler Rimbaud pour ne vivre qu’« une saison en enfer » !
Nous avons là une idée de l’éternité. Outre les tortures, l’enfer est désespérant par la certitude de l’avenir. « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir » dit la sagesse populaire ; parce que l’irréversible de la mort ne s’est pas accompli. Mais l’enfer, c’est l’irréversible dans la vie éternelle : car les damnés vivent, c’est certain : ils vivent en tout cas suffisamment pour souffrir. Mais justement, quelle est la première souffrance en Enfer ? A celle des tourments complaisamment imaginés par l’Eglise médiévale, il ne faudrait-il pas substituer celle du désespoir ?
Dans ce cas nous aurions une idée de l’Enfer dès cette vie. De même que Sartre imaginait l’enfer comme un enfermement dans une chambre d’hôtel de trois personnes qui se détestent et se déchirent sans jamais en finir, la vie quotidienne avec son lot de lassitude, avec ses efforts bientôt abandonnés nous donne une idée de cette déprimante stagnation.
C’est Nietzsche qui a raison. Si tu veux savoir ce que c’est qu’aimer la vie, pense à l’« Eternel Retour » : vouloir que tout ce que tu as vécu, y compris les échecs et les blessures, les souffrances et les deuils, se reproduise indéfiniment, car c’est cela aussi la vie. Aimer la vie pour les sourires de l’enfant et le gazouillis des oiseaux, c’est l’imaginer comme le paradis, un jardin édénique dont on ne sortirait jamais : c’est banal. Aimer la vie au point de vouloir qu’elle se prolonge indéfiniment y compris avec ses désolations, ses chagrins et ses douleurs voilà qui l’est moins.
L’enfer c’est l’éternel retour, c’est sauf pour le Surhomme.
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