On dirait qu’ils conçoivent l’homme dans la nature comme un empire dans un empire.
Spinoza - Ethique, Livre 2 (préface)
Pouvons-nous considérer l’espèce humaine comme une espèce à part dans le genre animal ? Sommes nous non seulement une espèce différentes de toutes les autres espèces dans la nature, mais aussi séparés de la nature ? Dans le débat actuel sur l’écologie, débat qu’on semble décidé à prendre au sérieux, on s’interroge sur la responsabilité de l’espèce humaine dans l’altération du milieu naturel, et on entend dire que nous avons détruit ce qui pourtant rend notre vie possible. Certains, comme Spinoza, considèrent que l’homme est une espèce comme une autre : l’homme ne détruit pas la nature, il en tire parti tout comme le termite ou le troupeau d’éléphant. C’est à dire : conformément à ce que la nature a fait de lui.
Ceci nous aide à poser le problème qu’on occulte dans le débat actuel : ce qui se passe sur terre aujourd’hui est-il une radicale nouveauté ou bien n’est-ce qu’un nouvel épisode dans une longue histoire qui se répète ? L’espèce humaine fait-elle autre chose que ce que les autres espèces animales ont toujours fait ? Une espèce en remplace une autre, tout n’est que cycle dans la nature, et d’ailleurs les changements que nous observons dans le climat ne sont-ils pas un cycle de plus dans les cycles du climat ? Disons les choses autrement : quelle rupture la modernité a-t-elle introduit dans la nature ? Je ne reprendrai pas ici les considérations sur cette modernité (voir citation du 6 juin) ; je me demanderai simplement : est-ce que ces changements font de l’homme, par rapport à la nature, un « empire dans un empire » ?
Une réponse serait à chercher du côté de philosophes comme Bergson, et plus encore, comme Theillard de Chardin : pour celui-ci, la création ne s’est pas achevée le 7ème jour. Lorsque Dieu a cessé de créer, il a transmis son pouvoir à l’homme. Ce que l’homme invente, ce qu’il crée, il le fait grâce au pourvoir de l’intelligence que Dieu a insufflée en lui. Le travail des hommes n’est autre que cette extériorisation de soi par la quelle la créature se glorifie elle-même, tout comme son Créateur dans la Genèse.
Autrement dit, la rupture dont nous parlons était inscrite, dès le début, dans le projet de la Création : elle correspond au moment où le pouvoir des hommes sur la nature s’affranchit des lois de celle-ci. Et ce moment n’est que le passage à la limite de la mission des hommes : poursuivre et parachever la création.
Dieu a crée la nature ; l’homme la transforme.
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