Saturday, November 04, 2006

Citation du 5 novembre 2006

Nous autres civilisations nous savons maintenant que nous sommes mortelles

Paul Valéry - Variétés

Cette citation est peut-être la plus célèbre de Valéry. Issue des années 30, alors que l’idée que l’Europe traversait une crise morale sans précédent était encore très vivace et que Mussolini rêvait de ramener l’Italie à l’époque de l’Empire romain, elle matérialisait la peur que vivait l’Occident par rapport à son avenir.

A l’idée de quelle mort tremblerions-nous aujourd’hui ? Aujourd’hui, devant les catastrophes annoncées, un pôle sans banquise, des océans sans poissons, nous craignons plutôt notre propre civilisation. Par un renversement total des valeurs, nous allons chercher chez les sauvages d’hier des leçons de survie pour aujourd’hui tandis que la barbarie nous paraît secrétée par notre civilisation.

Ainsi, au lieu de craindre la mort de la civilisation, c’est la mort de la planète qui nous inquiète. Qu’est-ce que ça change ?

Responsabilité : hier : nous étions responsables de notre civilisation ; c’est notre indifférence devant les vraies valeurs qui entraînait sa perte. Aujourd’hui : on stigmatise notre indifférence et notre égoïsme devant la nature : les héros d’hier sont les criminels d’aujourd’hui. Buffalo Bill détruisant les bisons pour le plaisir du sport. On invente une nouvelle morale nous rendant responsable et de la nature et du futur (1)

Echelle : hier : notre civilisation n’est pas mondiale ; elle est entourée des sauvages et de leur barbarie. Les primitifs constituent une part de l’humanité. Aujourd’hui : La planète, voilà désormais notre pays : la pile usagée que je jette dans la rivière va empoisonner les pingouins de l’antarctique, le sac en plastique qui s’envole au vent va étouffer les tortues du côté des îles Galápagos.

Origine ou manière d’être de ce qui disparaît : hier, c’est la civilisation qui n'est que notre création, aujourd’hui c’est la nature tout entière.

Si Valéry revenait aujourd’hui, il écrirait : « Pourvu que notre civilisation soit mortelle »

(1) Voir Hans Jonas - Le principe responsabilité

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