Tuesday, November 07, 2006

Citation du 8 novembre 2006

Ce n’est pas des hommes qu’il [le Misanthrope de Molière] est ennemi, mais de la méchanceté des uns et du support que cette méchanceté trouve dans les autres.

Jean-Jacques Rousseau - Lettre à d’Alembert.

Le misanthrope est un philanthrope excessif : il se fait une si haute idée de l’humanité qu’il en rage de voir que chaque homme en particulier est incapable, par négligence, de concrétiser cette essence sublime. Et voilà Alceste qui critique durement ses amis au point de s’en faire détester et de créer autour de lui le désert qu’il va finalement lui-même réclamer, comme refuge pour oublier la déception que ses semblables provoquent en lui. La misanthropie dont nous parlons ici n’est pas simplement une pathologie psychologique (l’atrabilaire de Molière) mais une posture morale qui, en rehaussant l’espèce humaine, rabaisse les individus. Peut-on échapper à ce paradoxe ? Demandons à Kant une solution.

D’abord, pour Kant, l’humanité est l’essence pure de l’homme, face à l’animalité qui se trouve également en lui. Bon. Mais le chien ne porte-t-il pas, lui aussi, la « caninité » si on veut appeler ainsi les caractéristiques de son espèce ? Bien sûr, et donc chaque chien coïncide avec cette essence, récapitulant en lui-même ces caractéristiques ; en revanche, chez l’homme, l’humanité n’est qu’un modèle sur le quel il doit régler ses actions : aucun être humain ne coïncide parfaitement avec les plus hautes perfections de son espèce.

Il ne faut pas s’en désoler comme le misanthrope, mais il faut inlassablement appeler nos semblables à se comporter avec la dignité que leur confère leur humanité. Kant appelle cela : le respect de soi. Celui qui ne respecte pas l’humanité qui est en lui va - par exemple - considérer son propre corps comme un instrument dont il peut disposer à sa guise. Exemple ? Le suicide : « Il n’est pas permis de disposer de soi et de sa vie comme d’un moyen, et d’être ainsi l’auteur de sa mort. » (La religion dans les limites de la simple raison) … et la « souillure de soi-même par la volupté » (Doctrine de la vertu).

Dur-dur, d’être un homme …

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