La corrida, ce sont les abattoirs de la Villette dans les costumes du Châtelet.
Jacques Martin
Voilà un sujet qui peut passionner, comme il peut laisser indifférent : qu’un taureau soit estoqué par une épée dans une arène, que nous importe ? Seule la présence du public arrive parfois à soulever l’indignation ; ça n’a pas l’air très sain et on se dit que les gladiateurs ne sont pas loin…
Toutefois, l’existence des corridas pose le problème du droit des animaux. En effet si ce droit est reconnu, alors les corridas sont hors la loi.
Voyez l’article 3 de la Déclaration Universelle du droit de l’animal (1):
1- Aucun animal ne doit être soumis à de mauvais traitements ou à des actes cruels.
2- Si la mise à mort d’un animal est nécessaire, elle doit être instantanée, indolore et non génératrice d’angoisse.
3- L’animal mort doit être traité avec décence.
Il est clair que le déroulement de la corrida, la mise à mort ainsi que la coutume de trancher les oreilles et la queue de la bête qu’on vient de tuer est en totale contradiction avec ce texte.
Ce Droit des animaux a-t-il une quelconque validité ?
Sur l’attitude des philosophes à l’égard de cette question, on renverra au livre d’Elisabeth de Fontenay (2). Mais sait que Kant considérait qu’on pouvait disposer de l’animal comme on dispose d’une chose - vu qu’il n’a pas de conscience - alors que plus près de nous, Hans Jonas affirme que tout ce qui vit mérite de continuer à vivre. Il me semble que ce sont les anglo-saxons qui mettent en avant un Droit des animaux, droit dont la structure est assez surprenante pour être brièvement évoquée.
En effet, un droit des animaux repose ou sur la Nature, qui est alors conçue comme un Dieu dont la volonté est impliquée dans tout ce qui existe, ou sur un contrat qui dès lors impliquerait l’animal. Comme on ne s’imagine pas dire au bœuf : je te soigne bien mais en contrepartie il faut que tu acceptes d’être égorgé dans 6 mois, alors il faut admettre cette espèce de panthéisme qui fait de la Nature une grand tout dans le quel nous ne sommes qu’une infime partie, incapable de décider par nous-mêmes - et à la place des autres êtres naturels - ce qu’il en doit advenir.
La difficulté tient à ce que nous ne savons pas sur quoi fonder la limite que la cruauté envers les animaux enfreint : le plus souvent, c’est notre sensibilité qui la constitue. Voyez les bébés phoques : on doit en massacrer encore des quantités, mais tant qu’on ne nous le montre pas, ça va bien.
(1) La Déclaration Universelle des Droits de l'Animal a été proclamée solennellement à Paris, le 15 octobre 1978, à la Maison de l'Unesco. Son texte, révisé par la Ligue Internationale des Droits de l'Animal en 1989, a été rendu public en 1990. Si vous voulez animer un débat de fin de banquet dans une société de chasseurs ou de pécheurs, je vous recommande aussi l’article 4.
(2) Elisabeth de Fontenay - Le silence des bêtes Fayard - La philosophie à l’épreuve de l’animalité - 1999 (voir article de présentation ici)
1 comment:
Sur la question du droit des animaux, un site indispensable, celui des cahiers antispécistes :
http://www.cahiers-antispecistes.org/
Où l'on se rend compte que cette question met en jeu tous les problèmes classiques de la réflexion éthique.
Post a Comment