Wednesday, May 14, 2008

Citation du 15 mai 2008

Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! / Suspendez votre cours.

Lamartine – Le lac

On connaît l’ironie d’Alain : « Et combien de temps, temps va-t-il suspendre son vol ? ».

Oui, bien sûr : il y a toujours quelque part une horloge qui continue d’égrener les instants qui défilent. Ne serait-ce que les battements de notre cœur.

Mais si l’on admet la liberté que se donne le poète de limiter le temps à l’intuition que nous en avons, alors il est possible d’arrêter le temps. Il suffit de ne rien faire.

J’évoquais le 19 mars la phrase de Paul Claudel : « Si nous faisons du bruit le temps va recommencer ». Lumineux : décidément, il n’y a que les poètes qui sachent parler clairement du temps. Car le temps, ce n’est pas autre chose que la succession des évènements, et les évènements c’est la succession de nos actions.

Je dis « la succession de nos actions » et non « la succession des phénomènes », pour écarter la conception astronomique du temps, celui qui est décompté par le mouvement indéfiniment répété du soleil et des planètes (ce temps que Platon décrivait comme « l’image mobile de l’éternité »). Autrement dit, à coté de la licence poétique, voici la "licence" philosophique.

Alors quid du temps éternel (ou plutôt sempiternel) ? Est-il à notre portée ? Pouvons nous suspendre le vol du temps ? Suffit-il de ne rien faire ?

D’ailleurs, pouvons-nous ne rien faire ? Voilà la question que bien des gens se posent, et d’éminents philosophes avec eux. On sait que Descartes, pour des raisons dans les quelles je ne rentrerai pas aujourd’hui, disait que l’âme pense toujours. Si l’âme pense toujours, alors elle est toujours en action, et nous avec.

En réalité, la seule expérience de la suspension du temps que nous ayons est le sommeil profond et sans rêves : le sommeil sous penthotal.

Pas de quoi exciter l’envie.


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